Si nous disons « 1515 ! », tous les petits écoliers français se précipitent pour répondre : « Marignan ! » et ils auront raison. Pour l’Ordre du Carmel, 1515, c’est l’année de naissance de Térésa Sánchez de Cepeda Dávila y Ahumada, autrement mieux connue sous le nom de Thérèse d’Avila. Nous fêtons donc cette année les 500 ans de Sainte Thérèse !
Cette vieille femme mérite-t-elle que nous pensions encore à elle ? Elle est du passé. Oui, mais pourtant, Thérèse est d’une extrême jeunesse.
Il serait beaucoup trop long de reprendre ici son histoire, ses épreuves et sa façon de tracer sa route au milieu d’un monde en feu, marqué par les guerres de religions, l’inquisition, les grandes découvertes et des grands bouleversements sociopolitiques du 16° siècle. Je souhaite juste essayer d’évoquer son extrême jeunesse, c’est-à-dire de montrer qu’elle a encore quelque chose à nous dire aujourd’hui.
- La crise de la transmission
De par son histoire personnelle et l’histoire de l’Eglise, Thérèse a vécu une grande crise ; par l’absence de son père, mais aussi dans le contexte d’éclatement de la chrétienté, elle souffre d’une crise de la transmission.
Le 16° siècle est la période de la réforme. Peu avant Thérèse, martin Luther, Ignace de Loyola puis Calvin se sont levés. Ces quatre « réformateurs » sont quasi contemporains… Ils ne se sont pas levés un matin en se disant qu’ils allaient réformer l’Eglise, mais le contexte général de l’Europe et pour Thérèse, le contexte général de l’Espagne en particulier, les a poussés à l’action. En effet, toute réforme naît dans un contexte d’échec de la transmission.
- L’entrée dans la modernité
L’entrée dans la modernité est marquée par la perte du père ; le sujet moderne est « condamné » à être son propre père… Comment Thérèse va-t-elle se sortir du contexte familial étouffant où elle se trouve et remédier à l’absence du père dont elle avait besoin ? Par l’expérience humaine et spirituelle du Salut. Enfant, Thérèse fugue avec son frère pensant que le martyre lui serait meilleur que de continuer à vivre ; il lui faut fuir le domaine familial. Grandissant, elle souffre de l’absence de la capacité de son père à lui transmettre le moindre héritage. En effet, son père fait tout pour cacher et oublier ses racines juives.
- Une expérience spirituelle
Je passe sur les détails… dans la prière, Thérèse fait l’expérience du Christ qui lui révèle de quel amour elle est aimée par le Dieu Père. Cette paternité qu’elle découvre devient si importante pour elle qu’elle va commenter le Notre Père. Thérèse va aussi se découvrir une figure paternelle essentielle pour son itinéraire et sa maturité, la figure de saint Joseph. Ce dernier a une place prépondérante dans la vie de Thérèse ; Joseph n’a pas renié ses origines ; il est le descendant de David. Joseph a transmis avec succès l’héritage qui était le sien. Joseph devient le protecteur de Thérèse et de sa nouvelle famille religieuse.
- Fondations
En fondant son premier monastère « Saint Joseph », Thérèse fonde une famille où chacun est responsable de la réception et de la transmission de l’héritage des Saints Pères du Mont Carmel. Au cœur de la crise, Thérèse répond en travaillant à la mise en place d’une nouvelle réalité ecclésiale : la fondation d’un réseau d’amitié fraternelle et de prière pour le salut du monde. Dans un contexte de déchirure et de guerre, Thérèse répond par la fraternité fondée dans la relation filiale à notre unique Père infiniment aimant et présent à notre vie, même s’il se fait souvent très discret.
- Aujourd’hui
Alors, oui, dans ce contexte de guerre, de déchirure, de souffrance mais aussi de perte de racines et donc de paternité et d’héritage humain et spirituel, que nous voyons dans l’actualité, Thérèse peut aujourd’hui nous appeler à la fraternité comme elle l’a fait de façon vigoureuse dans l’Espagne du 16° siècle. Qu’à la suite de Thérèse et selon son exemple, nous sachions susciter des solidarités et un climat fraternel dans la simplicité. Thérèse n’avait d’autre souhait que de créer une grande fraternité universelle. Dans notre monde en feu, nous pouvons accueillir à pleines mains cet héritage qu’elle nous offre aujourd’hui encore, tant pour notre développement personnel que pour un meilleur vivre ensemble.
Merci Thérèse de nous accompagner aujourd’hui encore dans la construction de lieux fraternels où il fait bon vivre pour tout homme.
Florence, csj, octobre 2015
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