Ton nom est d’origine arabe, construit sur un verbe qui veut dire à la fois « se précipiter, accélérer son rythme, bondir, s’élever en l’air par un saut, exagérer en parlant, s’approcher de quelqu’un, etc. Et quand il s’agit d’une plaie cela veut dire qu’elle suinte de nouveau alors qu’elle semblait être guérie.  
Quant à toi, Léonie, c’est ainsi que nous t’avons baptisée, ta plaie était grande ouverte, tu souffrais la plus grande des blessures, celle du rejet. Ou était-ce vraiment du rejet ? À force de te regarder et de t’écouter, nous avons finalement l’impression que c’est toi qui as pris l’initiative : tu as trop vu et tu ne pouvais plus. Ton regard le dit encore. Tu as pris la fuite.
Dans ton élévation, tu croyais avoir trouvé en l’homme un allié, un ami, qui, comme toi, « se nourrit de ce qui est élevé » tout en gardant ses pieds sur terre. Tu croyais qu’il était comme toi : se nourrissant ainsi il pouvait courir, il n’avait pas peur de bondir et de s’élancer, libre et confiant, vers l’autre.
Tu as découvert que celui en qui tu mettais ton espoir manquait d’intelligence. Tu as découvert qu’il prenait l’humiliation pour humilité : il se tordait tellement le coup qu’il ratait ce qui lui était offert en nourriture. Tu l’as vu se contenter d’une nourriture pétrie dans la culpabilité, assaisonnée avec de l’amertume et de la peur, et cuite au feu de sa propre jalousie ou à celui de son orgueil. 
Tu t’es éloignée, pour réfléchir, pour retrouver ta verticalité, dans une nouvelle fondation, à Caen, en Normandie. Tu attends là, parmi les choses, au cœur d’une ville riche en promesses et en attente, comme toi. Tu attends, tu laisses les sœurs faire, tu leur fais confiance. Ta plaie commence de nouveau à guérir, le baume de la prière te convient, ainsi que la nourriture du lieu. Tu as retrouvé une nourriture à hauteur d’homme et de girafe…