FOCUS SUR LES SOULIERS

Dans le silence de la cellule au parquet ciré, la photographie s’impose par l’immobilité et  l’anonymat de la lectrice, par le dialogue de deux paires de chaussure : la basique sandale du pèlerin et du moine discute avec vous : les « Bensimon ».
Vous êtes la fameuse petite tennis, en toile de coton et à semelle en caoutchouc, qui fait depuis 1980 le succès de la marque et le bonheur des parisiennes arpenteuses de musées, cavaleuses dans les escaliers du métro et curieuses des boulevards de la capitale.

La nature morte est un clin d’œil à la tradition et à la mode, à deux manières de se chausser et à deux manières de vivre… mais seraient-elles à opposer ? « Prière intense et action généreuse » dit notre Règle de vie, à bien tenir ensemble, parce qu’au Carmel, contemplation et action sont en alliance.
Vous êtes la Marthe qui attend. Aucunement agitées au service ; à en faire mentir saint Luc, vous attendez. Vous, les indispensables « Bensimon », avez fait irruption dans l’univers religieux, et vous vous offrez telles deux petites barques vides et échouées, en attente de traversée et d’aventure.
Votre interlocutrice, Marie, fait sa lectio divina. Les sandales monastiques, sur le parquet foulé par tant et tant de futures carmélites depuis 1872 dans cette cellule du noviciat, attendent placides et sûres d’avoir gardé la meilleure part.
Mais vous leur tourner le talon.
L’instantané le cache à peine et le spectateur-lecteur vous attend, tel un chat guettant sa proie, car il sait qu’au son de la cloche qui fera bondir la religieuse de sa chaise, vous serez prêtes et gaillardes à prendre la relève. La sœur vous chaussera et vous la ferez missionnaire, tel Hermès aux sandales ailées (zélées!) ; pleines de zèle, vous l’accompagnerez pour partager à toute la terre les merveilles qu’elle vient de contempler.
Ainsi soit-il !

Sr Nathalie, CSJ de Caen, 26 août 2020