Nous vous chaussons pour pouvoir affronter le jour. Nos souvenirs, nos désirs et nos peurs nous collent aux talons, et lorsque ces derniers, nus, touchent terre, ils se mettent à parler et à raconter les milles et une nuits de ce corps qu’ils portent et qu’ils connaissent si bien ; ils racontent ce que nul ne peut entendre sans qu’il ne soit lui-même déchaussé.
Tous les matins, afin d’engager la marche, nous avons souvent recours à vous, talons à hauteurs variables, médiateurs entre nos talons et la terre. Une fois décollés, les nôtres apprennent à cesser le récit et à laisser nos visages se tourner vers d’autres avec la hauteur qui leur est utile pour aujourd’hui. Si notre interlocuteur est confiant, s’il est réconcilié avec ses talons et les histoires qu’ils lui racontent, il nous est permis de porter des chaussures confortables et des talons assez bas. S’il est un peu plus insécurisé et qu’il risque de verser sur nous quelque chose de son instabilité, nous aurons besoin de nous hisser un peu plus et de nous sentir malgré tout en équilibre, d’un équilibre qui le rassurera et qui le mettra à l’aise. Si les personnes à qui nous aurons affaire n’ont aucune confiance en eux-mêmes et qu’ils risquent de s’imposer par la force, il n’y a que les talons aiguilles pour les désarmer. À chaque situation ses talons, à chaque peur une hauteur.
Il n’y a qu’un seul qui n’a pas besoin de se chausser pour nous rencontrer ; nos peurs, notre insécurité et nos prétendues forces ne lui font aucun effet. Il est toujours à hauteur d’homme, et tient sa sérénité et son équilibre, non pas de ses hauts talons, mais de son Père et de la force désarmante de son Esprit.
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