Lettre à un ami prêtre
Cher compagnon de tapis,
Comment oses-tu me demander quinze lignes sur l’oraison…! L’oraison, c’est toute une vie abandonnée et transformée sous le regard amoureux de Dieu. Il n’y a rien à en dire, tout se fait dans le silence, la solitude et la démaîtrise. Mais pour toi, je vais essayer de balbutier trois mots, comme trois balises sur ce chemin d’aventure et de traversées.
Je commencerais par l’agenouillement. La vie d’oraison ne commence que lorsque l’on s’est agenouillée, reconnue humble créature en dépendance totale et vitale de son Dieu, à la manière d’un Paul Claudel* ou d’une Etty Hillesum** à genoux dans sa salle de bain. Dans cet anéantissement, on y trouve aussi l’humilité du Christ en son Incarnation
« lui qui était de condition divine ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti… » (Ph 2,8). Nous avons, selon les conseils de Thérèse d’Avila, à imiter Jésus en son humanité.
Ma deuxième balise est la transformation. L’oraison nous demande la disponibilité de l’argile aux mains du potier ou de la bûche dévorée par la flamme (pour reprendre une image chère à Jean de la Croix). L’oraison nous transforme chaque jour un peu plus, dans le silence, en nous configurant à Celui qui nous veut toujours plus divinisée, à son image et ressemblance. L’oraison est sans cesse re-création.
Et je terminerais par le solidarité. Chaque oraison nous fait vivre le mystère pascal, ce mystère de vie et de résurrection, ce passage par la mort à soi-même pour tout recevoir de Lui et de Lui seul et seulement. C’est ce qui fait crier à toutes nos grandes figures carmélitaines qu’elles ont soif du salut des âmes ou qu’elles seraient capable d’endurer mille morts pour sauver une seule âme en la ramenant à Dieu ! Cette solidarité ou fraternité du tapis à vocation d’universalité, comme Jésus sur la Croix. C’est ce « être à la table des pécheurs ». On attend, immobile, en offrande, ce salut divin, mais non pas pour nous, mais pour que l’Amour descende sur terre, aussitôt, pour tous les hommes et toutes les nations.
Sr Nathalie, 13 janvier 2021
* « Quand tu es là ô mon Dieu / Un tas de choses en moi, / Il y a un tas de chose qui se mettent à genoux. »
** « Mon corps tout entier est parfois parcouru du mouvement naturel de vouloir s’agenouiller, ou plutôt non, c’est autre chose : on dirait que le geste d’agenouillement est modelé dans tout mon corps. »
2 commentaires
Magnifique, merci ! Les chrétiens dans le monde sont des bûches invisibles aux allures de cendres, mais dans le coeur de la bûche brûle le feu divin. Combien de visages défigurés cache une flamme intérieure. Tout ces souffrants malades, sdf, miséreux nous apporte la flamme qui ravive notre foi !
superbe!….je ne sais plus qui a dit : acquiers la paix interieure et des milliers autour de toi seront en paix..oui….je l expérimente chaque jour…amen