Polo Tonka, Moi, le fou, Broché, 2019.
« Si seulement je pouvais lui prouver que la littérature m’est une chair autant qu’une âme, et pas un désir de vivre différemment. » Cette phrase me semble décrire aussi bien ce qui meut l’auteur que l’essence de toute création humaine. Elle est aussi un cri que chacun de nous pourrait lancer dans l’attente d’une reconnaissance. La reconnaissance, lorsqu’elle est celle de la chair et de l’âme de quelqu’un, crée des commencements dont le monde a besoin pour vaincre ses gangrènes.
Moi, le fou, est un roman où les mouvements de l’âme et de la chair de son auteur se dessinent aussi bien dans la structure des phrases que dans le choix des mots. Chacun, de ces derniers, trace sur les pages (j’aurais envie de dire « sur la chair et l’âme ») de ce livre une couleur différente qui en appelle d’autres, toujours surprenantes, riches, tendres, violentes, douloureuses, amoureuses, folles, déchirées, schizophrènes et belles…
A la lecture de cet écrit nous ne regarderons plus de la même manière nos miroirs (« Dans le miroir, je crois mon corps soudain si vulnérable. ») ; nous nous réjouirons d’un humour libérateur (« Je sais maintenant que si je n’arrive pas à trouver d’éditeur c’est parce que l’écrivain qui a conçu ma vie n’arrive pas à en trouver lui non plus. ») ; nous nommerons les vrais murs de nos vies (« Au fond, le mur n’est pas celui que l’on croit. Le mur, c’est cette feuille de papier pliée dans l’enveloppe et qui attend que je veuille bien la lire. ») ; nous sommes jetés dans l’antre de certaines questions que nous ne pouvons plus fuir (« Mon livre est-il en train, malgré moi, de creuser ma propre tombe ? » ) ; nous prenons conscience que c’est à nous d’oser la folie de faire la publicité de nos œuvres avant même qu’elles ne soient reconnues par d’autres (« Afin que mon talent d’écrivain soit connu de tous et que mon visage d’artiste soit placardé dans tout Paris, c’est à moi que revient la phase de collage publicitaire. »). Bref, la solitude, la souffrance, les espoirs, les colères, les rencontres, le travail, l’ivresse et la singularité d’une vie peuvent sortir de l’attente et de la mendicité d’une reconnaissance et créer, pour ceux qui mènent « des luttes invisibles », la manifestation d’une liberté qui a voulu, « dans la nuit qui s’annonce, tenir par la seule ivresse des mots ».
« Dans le silence, en moi commence une prière que je devine juste car maladroite. »
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