« Cheminer ensemble avec le prophète ÉZÉCHIEL.
Mechref, 22 au 28 août 2020 avec P. Georges Abi Saad
Jour 4_Avant-Midi_Mardi 25 août 2020
Aujourd’hui, nous allons continuer avec le thème de la croix, toujours avec la croix du prophète ou d’une manière générale, la croix du serviteur du Seigneur.
Nous allons méditer sur le thème des évènements tragiques de la vie. Comment pouvons-nous vivre ces moments tragiques qui sont communs à tout le monde ? Comment pouvons-nous les vivre comme hommes et femmes de la foi, avec la lumière de la force de la foi ? Comment pouvons-nous les vivre comme faisant partie de notre mission ? Comment les intégrer dans notre témoignage et notre mission ?
D’une manière générale, les moments tragiques sont toujours une occasion d’un témoignage plus crédible, plus authentique et plus touchant (qui peut toucher les cœurs). Dans 1Th 4, 13, saint Paul dit : « Nous ne voulons pas, frères, que vous soyez dans l’ignorance au sujet de ceux qui dorment, afin que vous ne vous affligiez pas comme les autres qui n’ont point d’espérance ». Le moment de la perte, peut devenir une occasion pour témoigner notre espérance. (Témoignage du père Georges : Je me souviens lorsque j’étais au Nigéria, il y a eu un accident, la tragédie de l’écrasement de l’avion en 2003 ou 2004 à Cotonou. Ce qui m’a touché, c’est l’attitude d’une jeune femme qui a perdu trois membres de sa famille. Je ne savais pas à quel point son espérance et sa foi étaient solides. Elle a témoigné avec sérénité son espérance). Le témoignage devient très touchant en ces moments tragiques de la vie.
Comment les vivre comme missionnaire ? Prenons comme exemple, l’épreuve du prophète : la perte de sa femme. Ez 24, 15-27 :
15 La parole du Seigneur me fut adressée : 16 « Fils d’homme, je vais te prendre subitement la joie de tes yeux. Tu ne feras pas de lamentation, tu ne pleureras pas, tu ne laisseras pas couler tes larmes. 17 Soupire en silence, ne prends pas le deuil ; enroule ton turban sur ta tête, chausse tes sandales, ne voile pas tes lèvres, ne prends pas le repas funéraire. » Ce sont des coutumes de l’époque. 18 Le matin, je parlais encore au peuple, et le soir ma femme mourut. Le lendemain matin, je fis ce qui m’avait été ordonné. 19 Les gens me dirent : « Vas-tu nous expliquer ce que tu fais là ? Qu’est-ce que cela veut dire pour nous ? » 20 Je leur répondis : « La parole du Seigneur m’a été adressée : 21 Dis à la maison d’Israël : Ainsi parle le Seigneur Dieu : Je vais profaner mon sanctuaire, votre orgueil et votre force, la joie de vos yeux, la passion de votre cœur. Vos fils et vos filles, que vous avez laissés à Jérusalem, tomberont par l’épée. 22 Vous ferez alors comme je viens de faire : vous ne voilerez pas vos lèvres, vous ne prendrez pas le repas funéraire, 23 vous mettrez vos turbans, et vous chausserez vos sandales. Vous ne ferez pas de lamentation, vous ne pleurerez pas. Mais vous pourrirez dans vos péchés, et vous gémirez tous ensemble. 24 Ézékiel sera pour vous un signe : tout ce qu’il a fait, vous le ferez. Et quand cela arrivera, vous saurez que Je suis le Seigneur Dieu. 25 Et toi, fils d’homme, le jour où je leur prendrai leur force, leur allégresse et leur parure, la joie de leurs yeux, le délice de leur vie, leurs fils et leurs filles, 26 ce jour-là, arrivera vers toi un rescapé pour faire entendre la nouvelle. 27 Ce jour-là, ta bouche s’ouvrira pour parler au rescapé : tu parleras et tu ne seras plus muet ; tu seras pour eux un signe. Alors ils sauront que Je suis le Seigneur. »
Cet évènement tragique, commun à tout le monde, devient une Parole de Dieu. Ezéchiel nous apprend à vivre ces évènements de la vie d’une manière prophétique en annonçant la vérité et l’amour de Dieu. Il nous apprend à vivre ces moments d’une manière mystique. Nous signalons deux aspects : 1) prophétique ; 2) mystique.
- L’aspect prophétique: les exilés attendaient des bonnes nouvelles concernant le siège de Jérusalem (les gens à Babylone étaient inquiets). Cet évènement vient dissiper ce faux espoir : Jérusalem va être détruite ; et la femme d’Ezéchiel (une jeune femme à l’époque), « la joie de tes yeux », (une expression qui nous montre combien Ezéchiel l’aimait) est une figure symbolique : symbole d’abord du temple (Ezéchiel utilise les mêmes termes pour le temple) ; et symbole des gens bien-aimés (il parle de leurs enfants abandonnés à Jérusalem. La 1ère déportation n’a pas été pour tout le monde). C’est un signe que le peuple va perdre et le temple, et les gens les plus chers, les enfants de la famille sans qu’il ait le temps de faire le deuil. Le peuple va quitter. Tu ne feras pas de lamentation, tu ne pleureras pas, tu ne laisseras pas couler tes larmes. Soupire en silence, ne prends pas le deuil ; enroule ton turban sur ta tête, chausse tes sandales, ne voile pas tes lèvres, ne prends pas le repas funéraire. Un deuil en silence… dans la solitude…
Cet incident est le dernier appel. C’est la dernière parole de Dieu à travers son serviteur. Au dernier moment, le Seigneur continue à appeler son peuple à la conversion : cela devient de plus en plus urgent. Ce que le prophète a vécu est la parole ultime de Dieu envers son peuple afin qu’il écoute et change de direction. Malheureusement, le peuple n’a pas écouté.
Nous, tous, vivons de telles situations. Même la vie privée d’un serviteur ne lui appartient pas ; même le domaine privé de la vie fait partie de notre mission, de notre consécration à Dieu. Prenons l’exemple du prophète Osée et la femme adultère (c’est sa vie privée : elle devient un signe prophétique) ; Jérémie et le célibat : c’est un signe. La vie privée fait partie de notre mission.
La vie devient unifiée par la mission. Toute notre vie appartient à Dieu et peut avoir une parole à dire dans notre mission.
Ezéchiel n’est guidé, ni par les coutumes et les traditions du deuil, ni par ses sentiments. Il est guidé par les exigences de sa mission. C’est là le moteur, la motivation de sa vie, le fondement de toutes ses réactions, de son attitude, de sa mission. Cela exige un dépassement de soi au niveau intérieur, affectif et social pour être au Seigneur, consacrés complètement à la mission. Le cœur et la vie ne sont pas divisés. Nous devenons mission par tout ce que nous sommes.
Le prophète a vécu une sorte de kénose (Ph 2) : se vider de tout ce qui est chair. Perdre la personne la plus aimée, c’est perdre une partie de notre vie. Nous sommes liés aux personnes aimées. Une kénose qui est pour les autres, pour le service des autres (la kénose dans le sens du Christ) : Ph 2, 5-11 : 05 Ayez en vous les dispositions qui sont dans le Christ Jésus : Le Christ Jésus, 06 ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. 07 Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect, 08 il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix. 09 C’est pourquoi Dieu l’a exalté : il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom, 10 afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, sur terre et aux enfers, 11 et que toute langue proclame : « Jésus Christ est Seigneur » à la gloire de Dieu le Père.
Le but du prophète est le peuple.
Il y a un verset qui se répète : Alors ils sauront que Je suis le Seigneur. C’est le fruit de toute la démarche. Ça vaut la peine ! C’est une révélation, une présence que nous pouvons expérimenter.
- L’aspect mystique : l’aspect mystique est cette relation intime, directe et immédiate avec le Seigneur. Le prophète peut sentir ou faire l’expérience de l’amour de Dieu pour son peuple à travers ce qu’il vit. C’est très clair avec Osée. Le Seigneur lui dit (Os 3, 1) : « Va de nouveau, aime une femme aimée d’un compagnon et qui commet l’adultère. Car tel est l’amour du Seigneur pour les fils d’Israël, eux qui se tournent vers d’autres dieux et qui aiment les gâteaux de raisins. »
Prends une femme adultère… elle va continuer à te trahir… c’est la souffrance d’Osée… la souffrance d’un cœur blessé, trahi. En fin de compte, c’est l’expérience de Dieu avec son peuple. Osée a fait l’expérience, a senti dans son cœur, la souffrance de son Dieu. C’est là le côté mystique. Dieu aime ce peuple et ce peuple le trahit. Il souffre toujours de cette relation.
Avec Ezéchiel, il y a une similitude. Ezéchiel va sentir la souffrance de la privation de ce qu’il aime. Il a dit plusieurs fois dans sa prédication : « Je ne prends plaisir à la mort de personne, – oracle du Seigneur Dieu – : convertissez-vous, et vous vivrez. » (Ez 18, 32). Il souffre de la mort de ses enfants. Ezéchiel a fait une certaine expérience, par analogie (Dieu reste un mystère), avec celle de Dieu ; il a senti la privation de ce qu’il aime ; C’est une image de la souffrance de Dieu. Dieu ne désire ni la destruction du temple, ni du peuple. (Exemple : un petit enfant qui a besoin d’une opération. Les parents ne sont pas contents mais ils doivent consentir à l’opération. Ils souffrent plus que l’enfant. Ils n’ont pas le choix. C’est le seul remède) … Le prophète représente Dieu dans sa relation avec le peuple.
Le mystique est le fondement du prophétique : le témoignage extérieur, les paroles et les gestes prophétiques ne sont pas extérieurs à l’homme. Ils sont basés sur une expérience avec Dieu. Ils sont une expérience proclamée. Elle devient visible. C’est une connaissance intime, profonde avec le Seigneur qui devient visible.
Avec le Christ, ce côté mystique devient plus évident. Elisabeth de la Trinité prie pour être une humanité de surcroît :
O Feu consumant, Esprit d’amour,
Survenez en moi afin qu’il se fasse en mon âme
Comme une incarnation du Verbe;
Que je Lui sois une humanité de surcroît,
En laquelle il renouvelle tout son mystère. (Elisabeth de la Trinité, prière à la Trinité sainte)
Notre humanité devient un prolongement de l’humanité du Christ (pas de l’extérieur). Nous continuons à vivre ce que le Christ pourrait vivre s’il était à notre place : avoir les sentiments du Christ, ses réactions, son attitude… et cela exige un dépassement de soi… Le Seigneur dit à Thérèse d’Avila : « oublie tes souffrances et pense aux miennes ». Identifie-toi à mes souffrances : c’est le grand amour pour le peuple.
Dans une situation difficile, nous devons nous interroger sur ce que le Christ peut vivre dans l’ici et le maintenant. Acceptons-nous d’être un prolongement de sa vie ?
Après-Midi
Nous allons méditer sur l’amour de Dieu, l’amour miséricordieux (terminologie de la petite Thérèse), l’amour crucifié.
Les prophètes en général et Ezéchiel en particulier, lisent toujours l’histoire avec une lecture théologique, à la lumière de la foi, de la présence de Dieu dans l’histoire, à la lumière de son œuvre, de sa providence. Le résultat de cette lecture théologique, de l’histoire du peuple ou de l’histoire personnelle, montre que l’histoire n’est qu’une révélation progressive de l’amour de Dieu. On peut dire que l’histoire avec Dieu est un Évangile. Ezéchiel a découvert un amour gratuit, un amour qui se donne ; cet amour ne donne pas uniquement des grâces, Il se donne ; un amour qui reste fidèle malgré nos infidélités. Enfin, c’est un amour qui triomphe nos manques d’amour, par une surabondance d’amour.
Cet amour annonce ou préfigure l’amour de Dieu révélé en Christ surtout sur la Croix.
Ce sujet, nous le trouvons dans plusieurs textes chez Ezéchiel. Choisissons un texte. Ez 16 (c’est le plus long chapitre chez Ezéchiel) C’est un chapitre très audacieux dans son langage. Certains chefs de la synagogue interdisaient sa lecture en public. Bien sûr, le prophète utilise ce langage d’abord pour montrer la laideur du péché mais, aussi, la beauté et la puissance de l’amour de Dieu (le sujet primordial). Pour cette raison, il utilise des images allégoriques, audacieuses et sévères.
01 La parole du Seigneur me fut adressée : 02 « Fils d’homme, fais connaître à Jérusalem ses abominations. 03 Tu diras : Ainsi parle le Seigneur Dieu à Jérusalem : Par tes origines et ta naissance, tu es du pays de Canaan. Ton père était un Amorite, et ta mère, une Hittite. 04 À ta naissance, le jour où tu es née, on ne t’a pas coupé le cordon, on ne t’a pas plongée dans l’eau pour te nettoyer, on ne t’a pas frottée de sel, ni enveloppée de langes. 05 Aucun regard de pitié pour toi, personne pour te donner le moindre de ces soins, par compassion. On t’a jetée en plein champ, avec dégoût, le jour de ta naissance. 06 Je suis passé près de toi, et je t’ai vue te débattre dans ton sang. Quand tu étais dans ton sang, je t’ai dit : “Je veux que tu vives !” 07 Je t’ai fait croître comme l’herbe des champs. Tu as poussé, tu as grandi, tu es devenue femme, ta poitrine s’est formée, ta chevelure s’est développée. Mais tu étais complètement nue.
08 Je suis passé près de toi, et je t’ai vue : tu avais atteint l’âge des amours. J’étendis sur toi le pan de mon manteau et je couvris ta nudité. Je me suis engagé envers toi par serment, je suis entré en alliance avec toi – oracle du Seigneur Dieu – et tu as été à moi. 09 Je t’ai plongée dans l’eau, je t’ai nettoyée de ton sang, je t’ai parfumée avec de l’huile. 10 Je t’ai revêtue d’habits chamarrés, je t’ai chaussée de souliers en cuir fin, je t’ai donné une ceinture de lin précieux, je t’ai couverte de soie. 11 Je t’ai parée de joyaux : des bracelets à tes poignets, un collier à ton cou, 12 un anneau à ton nez, des boucles à tes oreilles, et sur ta tête un diadème magnifique. 13 Tu étais parée d’or et d’argent, vêtue de lin précieux, de soie et d’étoffes chamarrées. La fleur de farine, le miel et l’huile étaient ta nourriture. Tu devins de plus en plus belle et digne de la royauté. 14 Ta renommée se répandit parmi les nations, à cause de ta beauté, car elle était parfaite, grâce à ma splendeur dont je t’avais revêtue – oracle du Seigneur Dieu. 15 Mais tu t’es fiée à ta beauté, tu t’es prostituée en usant de ta renommée, tu as prodigué tes faveurs à tout passant : tu as été à n’importe qui. 16 Tu as pris de tes vêtements, tu as fait des lieux sacrés aux riches couleurs, et tu t’y es prostituée – cela ne s’était jamais fait et ne sera plus. 17 Tu as pris tes bijoux d’or et d’argent que je t’avais donnés ; tu t’es fabriqué des idoles masculines, tu t’es prostituée avec elles. 18 Tu as pris tes vêtements chamarrés et tu les en as recouvertes. Mon huile et mon encens, tu les as déposés devant elles. 19 Mon pain que je t’avais donné, la fleur de farine, l’huile et le miel dont je te nourrissais, tu les as déposés devant elles, en parfum d’apaisement. Il en fut ainsi – oracle du Seigneur Dieu. 20 Tu as pris tes fils et tes filles que tu m’avais enfantés, et tu les as sacrifiés pour qu’elles s’en nourrissent. Était-ce donc trop peu que ta prostitution ? 21 Tu as égorgé mes fils et tu les as livrés en les faisant passer par le feu pour elles. 22 Dans toutes tes abominations et tes prostitutions, tu ne t’es pas souvenue des jours de ta jeunesse, quand tu étais complètement nue et que tu te débattais dans ton sang. 23 Et après tant de méchanceté – quel malheur, quel malheur pour toi ! Oracle du Seigneur Dieu –, 24 tu t’es bâti un podium, tu t’es fait une estrade sur toutes les places. 25 À l’entrée de chaque chemin, tu t’es construit une estrade pour y souiller ta beauté et livrer ton corps à tout passant ; ainsi tu as multiplié tes prostitutions. 26 Tu t’es prostituée aux fils de l’Égypte, tes voisins au corps puissant ; tu as multiplié tes prostitutions au point de provoquer mon indignation. 27 Voici donc que j’ai étendu la main contre toi ; je t’ai coupé les vivres, je t’ai livrée à la merci de tes ennemies, les filles des Philistins, déshonorées elles-mêmes par ta conduite de débauchée.
28 Tu t’es prostituée aux fils d’Assour, faute d’être rassasiée ; tu t’es prostituée à eux, et tu n’as pas été davantage rassasiée. 29 Alors tu as multiplié tes prostitutions au pays des marchands, chez les Chaldéens, et cette fois encore tu n’as pas été rassasiée. 30 Comme ton cœur était lâche ! – oracle du Seigneur Dieu. Quand tu faisais tout cela, agissant comme une prostituée effrénée, 31 te bâtissant un podium à l’entrée de chaque chemin, quand tu faisais une estrade sur toutes les places, tu n’as même pas agi comme une prostituée car tu dédaignais le salaire. 32 La femme adultère, au lieu de son mari, prend des étrangers. 33 À toutes les prostituées, on fait un cadeau. Mais c’est toi qui faisais des cadeaux à tous tes amants ; tu les payais, pour qu’ils viennent vers toi, de tous côtés, se prostituer avec toi. 34 Toi, tu as fait le contraire de ce que font les prostituées : on ne courait pas après toi, on ne te donnait pas de salaire ; c’est toi, au contraire, qui en donnais. 35 Eh bien, prostituée, écoute la parole du Seigneur : 36 Ainsi parle le Seigneur Dieu : Puisque ton argent a été dilapidé, et ta nudité, dévoilée dans tes prostitutions avec tes amants, avec toutes tes idoles immondes, abominables, et à cause du sang de tes fils que tu leur as livrés, 37 eh bien, voici que je rassemble tous les amants à qui tu as plu, tous ceux que tu as aimés, comme tous ceux que tu as haïs ; de tous côtés je les rassemble contre toi, je dévoile ta nudité devant eux, et ils voient toute ta nudité. 38 Je t’inflige le châtiment des femmes adultères et des femmes sanguinaires : je répands ton sang avec fureur et jalousie. 39 Je te livre entre leurs mains ; ils nivelleront ton podium et démoliront tes estrades ; ils t’arracheront tes vêtements et te prendront tes bijoux ; ils te laisseront complètement nue. 40 Puis ils dresseront l’assemblée contre toi, ils te lapideront et de leurs épées te démembreront ; 41 ils incendieront tes maisons ; ils feront justice de toi, sous les yeux d’une multitude de femmes. Je mettrai fin à ta vie de prostituée ; tu ne pourras même plus donner de salaire. 42 J’assouvirai ma fureur contre toi. Puis ma jalousie se détournera de toi, je m’apaiserai, je ne serai plus irrité. 43 Parce que tu ne t’es pas souvenue des jours de ta jeunesse et que tu m’as provoqué par ta conduite, voici qu’à mon tour je la fais retomber sur ta tête – oracle du Seigneur Dieu. N’as-tu pas pratiqué la débauche avec toutes tes abominations ? 44 Tous les faiseurs de proverbes en diront un à ton sujet : “Telle mère, telle fille.” 45 Tu es bien la fille de ta mère qui détestait son mari et ses fils ; tu es bien la sœur de tes sœurs qui ont détesté leur mari et leurs fils. Votre mère était une Hittite et votre père un Amorite. 46 Ta sœur aînée, c’est Samarie, qui habite à ta gauche avec ses filles. Ta sœur cadette, c’est Sodome, qui habite à ta droite avec ses filles. 47 Il n’a pas suffi que tu imites leur conduite ni que tu commettes leurs abominations : tu t’es montrée plus corrompue qu’elles dans toute ta conduite. 48 Par ma vie ! – oracle du Seigneur Dieu – ta sœur Sodome et ses filles n’en ont pas fait autant que toi et tes filles. 49 Voici quelle fut la faute de Sodome, ta sœur : orgueil, voracité, insouciance désinvolte ; oui, telles furent ses fautes et celles de ses filles ; elles ne fortifiaient pas la main du pauvre et du malheureux. 50 Elles ont été pleines d’orgueil et ont commis devant moi ce qui est abominable ; c’est pourquoi je les ai rejetées, comme tu l’as vu. 51 Quant à Samarie, elle n’a pas commis la moitié de tes péchés. Tu as multiplié bien plus qu’elle tes abominations. Tes sœurs, tu les as fait paraître justes par toutes les abominations que tu as commises. 52 À ton tour, porte ton déshonneur, toi qui as innocenté tes sœurs : tes péchés, qui t’ont rendue plus abominable qu’elles, les font paraître plus justes que toi. Sois donc pleine de honte, et porte ton déshonneur, toi qui fais paraître justes tes sœurs. 53 Je changerai leur destinée : la destinée de Sodome et de ses filles, la destinée de Samarie et de ses filles ; puis je changerai ta propre destinée au milieu d’elles, 54 pour que tu portes ton déshonneur, et que tu sois déshonorée par tout ce que tu as fait : c’est ainsi que tu les consoleras ! 55 Tes sœurs, Sodome et ses filles, reviendront à leur état ancien ; Samarie et ses filles reviendront à leur état ancien. Toi et tes filles, vous reviendrez à votre état ancien. 56 De Sodome, ta sœur, n’as-tu pas fait des gorges chaudes, au jour de ton orgueil, 57 avant que soit découverte ta méchanceté ? Comme elle, tu es maintenant l’objet de la raillerie des filles d’Aram, de toutes celles d’alentour et des filles des Philistins, qui te narguent de partout. 58 Tu portes le poids de ta débauche et de tes abominations – oracle du Seigneur. 59 Car ainsi parle le Seigneur Dieu : Je vais agir avec toi comme tu as agi, toi qui as méprisé le serment et rompu l’alliance. 60 Cependant, moi, je me ressouviendrai de mon alliance, celle que j’ai conclue avec toi au temps de ta jeunesse, et j’établirai pour toi une alliance éternelle. 61 Tu te souviendras de ta conduite, et tu seras déshonorée, quand tu recueilleras tes sœurs, tes aînées et tes cadettes – c’est-à-dire Sodome et Samarie– et quand je te les donnerai pour filles, sans que cela découle de ton alliance. 62 Moi, je rétablirai mon alliance avec toi. Alors tu sauras que Je suis le Seigneur. 63 Ainsi tu te souviendras, tu seras couverte de honte. Dans ton déshonneur, tu n’oseras pas ouvrir la bouche quand je te pardonnerai tout ce que tu as fait – oracle du Seigneur Dieu. »
Le prophète a recours à la figure de la petite fille nouveau-née, abandonnée par ses parents lors de sa naissance (c’est quelque chose de courant à l’époque surtout dans la mentalité tribale). Il utilise cette image pour parler de l’élection : 04 À ta naissance, le jour où tu es née, on ne t’a pas coupé le cordon, on ne t’a pas plongée dans l’eau pour te nettoyer, on ne t’a pas frottée de sel, ni enveloppée de langes. 05 Aucun regard de pitié pour toi, personne pour te donner le moindre de ces soins, par compassion. On t’a jetée en plein champ, avec dégoût, le jour de ta naissance. 06 Je suis passé près de toi, et je t’ai vue te débattre dans ton sang. Quand tu étais dans ton sang, je t’ai dit : “Je veux que tu vives !” la pure gratuité de l’élection. Le peuple ne peut pas s’enorgueillir à cause de l’élection. Cette dernière est par pur amour, par pure miséricorde.
L’amour ne s’arrête pas là. Il y a ensuite l’alliance. Dieu l’a aimée alors qu’elle était encore pauvre. Il l’a prise comme femme. Dans l’alliance, Dieu s’est donné. Il l’a enrichie par ses dons et par le don de lui-même : Ta renommée se répandit parmi les nations, à cause de ta beauté, car elle était parfaite, grâce à ma splendeur dont je t’avais revêtue – oracle du Seigneur Dieu. C’est un amour progressif qui se donne petit à petit, toujours par pure grâce.
Ezéchiel dénonce après les péchés du peuple. Il parle de deux péchés : 1) l’idolâtrie (choisir d’autres dieux) et 2) les alliances avec les peuples étrangers (mettre la confiance en d’autres puissances). Dans les deux cas, il y a une infidélité. Du point de vue de Dieu, c’est une prostitution. 28 Tu t’es prostituée aux fils d’Assour, faute d’être rassasiée ; tu t’es prostituée à eux, et tu n’as pas été davantage rassasiée. 29 Alors tu as multiplié tes prostitutions au pays des marchands, chez les Chaldéens, et cette fois encore tu n’as pas été rassasiée. 30 Comme ton cœur était lâche ! – oracle du Seigneur Dieu. Quand tu faisais tout cela, agissant comme une prostituée effrénée, 31 te bâtissant un podium à l’entrée de chaque chemin, quand tu faisais une estrade sur toutes les places, tu n’as même pas agi comme une prostituée car tu dédaignais le salaire. 32 La femme adultère, au lieu de son mari, prend des étrangers. 33 À toutes les prostituées, on fait un cadeau. Mais c’est toi qui faisais des cadeaux à tous tes amants ; tu les payais, pour qu’ils viennent vers toi, de tous côtés, se prostituer avec toi. 34 Toi, tu as fait le contraire de ce que font les prostituées : on ne courait pas après toi, on ne te donnait pas de salaire ; c’est toi, au contraire, qui en donnais. C’est la femme mariée infidèle qui utilise les richesses de son mari.
Ezéchiel parle des conséquences de l’idolâtrie : offrir ses propres enfants, à cause du sang de tes fils que tu leur as livrés ; Il parle de ses passions, ses convoitises déchainées, sans aucun contrôle… Quant à Samarie, elle n’a pas commis la moitié de tes péchés. Tu as multiplié bien plus qu’elle tes abominations. Tes sœurs, tu les as fait paraître justes par toutes les abominations que tu as commises. Par son attitude, elle a justifié celle de la Samarie.
Les amants vont eux-mêmes la détruire. 39 Je te livre entre leurs mains ; ils nivelleront ton podium et démoliront tes estrades ; ils t’arracheront tes vêtements et te prendront tes bijoux ; ils te laisseront complètement nue. 40 Puis ils dresseront l’assemblée contre toi, ils te lapideront et de leurs épées te démembreront ; 41 ils incendieront tes maisons ; ils feront justice de toi, sous les yeux d’une multitude de femmes. Je mettrai fin à ta vie de prostituée ; tu ne pourras même plus donner de salaire. Le péché porte en lui-même sa propre condamnation. C’est une destruction de soi. Le mal se détruit !
Ezéchiel met en lumière le problème principal : Jérusalem a oublié l’amour de Dieu. Parce que tu ne t’es pas souvenue des jours de ta jeunesse !
Avant de continuer, essayons de prendre quelques points de méditations :
- Lire l’histoire comme Évangile (sur le plan personnel). Ce n’est pas uniquement dans les livres spirituelles que nous méditons l’amour de Dieu mais aussi dans l’histoire de chacun. Chaque vie est une histoire d’amour ; mais il faut la vigilance de la foi, la lumière de la foi pour reconnaitre l’amour de Dieu manifesté dans notre vie. Ce qui fait le lien entre les évènements de nos vies, c’est l’amour fidèle de Dieu. Il est le seul stable. C’est une seule histoire même s’il y a plusieurs évènements. C’est la présence de Dieu, sa providence qui est Amour.
- Regarder l’appel comme révélation d’amour gratuit. Saint Paul dit : ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de confusion les sages ; ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de confusion ce qui est fort (1Co 1, 27); nous sommes ces pauvres choisis par pure miséricorde… le ministère nous est donné par pure miséricorde, par pure grâce.
Face à cet amour, nous vivons parfois deux genres de tentations qui peuvent causer une déviation dans la vocation :
1) Ne pas voir ou reconnaître que les dons que nous avons sont ses dons à Lui (tous les dons y compris les dons matériels ; les charismes…). Nous avons cette tentation de les approprier et là sont l’abus et le faux témoignage. On utilise les dons comme s’ils sont les nôtres. Pourtant, ils sont gratuits. C’est l’orgueil. Les richesses deviennent un sujet de promotion personnelle ; un dû et non pas un don.
2) Ne pas voir que notre misère et sombrer dans le désespoir et la tristesse dans la vocation. C’est bénéfique de voir notre misère mais il faut la regarder à la lumière de la foi. C’est la perte de l’élan, de l’enthousiasme qui vient reconnaître l’amour de Dieu. Nous voyons la faiblesse et nous sombrons toujours dans la tristesse et le désespoir…
D’où l’importance de se rappeler, se souvenir de l’amour de Dieu. Revenir au passé ; faire cette relecture de l’amour premier. Ce n’est pas une fixation dans le passé mais un souvenir qui donne confiance dans le présent, une espérance pour le futur et proclame le Dieu fidèle. Il faut faire cette relecture surtout dans les moments de crise, dans les situations difficiles (ténèbres, sécheresse…) c’est là où il faut se rappeler de cette histoire d’amour. Dieu est toujours fidèle (Même si humainement, il n’y a que les problèmes dans l’horizon).
Passons à cette fin magnifique : Dieu parle d’une alliance éternelle. 60 Cependant, moi, je me ressouviendrai de mon alliance, celle que j’ai conclue avec toi au temps de ta jeunesse, et j’établirai pour toi une alliance éternelle. 61 Tu te souviendras de ta conduite, et tu seras déshonorée, quand tu recueilleras tes sœurs, tes aînées et tes cadettes – c’est-à-dire Sodome et Samarie– et quand je te les donnerai pour filles, sans que cela découle de ton alliance. 62 Moi, je rétablirai mon alliance avec toi. Alors tu sauras que Je suis le Seigneur. 63 Ainsi tu te souviendras, tu seras couverte de honte. Dans ton déshonneur, tu n’oseras pas ouvrir la bouche quand je te pardonnerai tout ce que tu as fait – oracle du Seigneur Dieu. »
L’intervention de Dieu est une surabondance d’amour. Jusqu’à maintenant, on ne voit pas une pénitence. C’est Dieu qui prend l’initiative et intervient. Saint Paul dit en Rm 5, 20 : « là où le péché s’est multiplié, la grâce a surabondé ».
Le pardon précède la conversion et la pénitence. Tu n’oseras pas ouvrir la bouche. C’est le pardon qui est primordial. L’expérience du pardon réduit Jérusalem au silence….
Le fondement de la conversion, c’est l’amour de Dieu. C’est une réponse à son pardon. (Cela va être clair sur la croix. Vivre la conversion, c’est reconnaître l’amour de Dieu et sa miséricorde).
C’est un message d’espérance. L’amour de Dieu est plus fort que le péché de l’homme. L’amour de Dieu et sa fidélité sont plus grands que l’infidélité. Le message des prophètes est toujours un message d’espérance basé sur la fidélité de Dieu. Son amour est tellement puissant, qu’il triomphera toujours. Il y a toujours cette synergie, cette réponse attendue de l’homme.
C’est l’histoire de l’amour triomphant qui se manifeste par cette manière progressive d’élection, d’alliance, d’union et de pardon gratuit.
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