« Seigneur, écoute, ton serviteur parle ! » : caricature, réalité ou merveille de la prière ? Le Seigneur effectivement entend : « Seigneur, je te rends grâce : tu as entendu les paroles de ma bouche » dit le psalmiste, croyant non seulement que le Seigneur l’a entendu puisqu’il l’a exaucé mais qu’il continue d’écouter son action de grâce. Le Seigneur entend et telle est bien la merveille de la prière mais telle est aussi l’épreuve de la prière : le Seigneur entend-il ? Telle est donc également la réalité de notre prière. Pourtant la foi biblique est avant tout que le Seigneur a parlé et qu’il parle, du début de la Genèse « le Seigneur dit, le Seigneur fit » jusqu’à aujourd’hui : « Ecoute, Israël ». Tout l’enjeu de la prière est donc bien celui de l’écoute : « parle, Seigneur, ton serviteur écoute ». Alertés par ces ambivalences de notre prière, celle-ci, éclairée par la liturgie de la Parole, nous apparaît dès lors comme chemin de purification, réalité de pauvreté et aventure de la confiance.
Nous l’avons souligné, notre prière n’est pas sans ambiguïté : ambiguïté de nos motivations, ambiguïté de notre parole (monologue ou véritable adresse à Dieu ?), ambiguïté de notre posture (de fils ou d’esclave, de confiance ou de doute etc.). Notre vie de prière s’avère un chemin de purification. Mais attention à nos désirs de prière pure, attention à nos indignations vis-à-vis des prières qui seraient impures. Cela peut effectivement être notre réaction en lisant les textes de ce jour : la prière qui serait du marchandage comme avec Abraham, la prière qui serait du sans-gêne vainquant le maître ou la prière qui serait une guerre d’usure qui finit par faire ouvrir les portes comme dans l’évangile ? Non, c’est plus notre prière qui doit nous purifier que nous qui avons à faire montre d’une prière qui serait pure à nos yeux car c’est avant tout Dieu qui purifie notre prière et nous purifie par notre prière. Et de fait, il purifie nos demandes, notre désir. Car là est bien notre prière : ton désir, c’est ta prière !
Ce chemin de purification se joue dans l’écoute de la parole. Le ‘Notre Père’ sera ainsi toujours le diapason de notre prière, la matrice et la ressource inépuisable qui contient toute notre prière. Le Pater montre bien que la prière sollicite toutes les facettes de notre être : notre sens de Dieu (son nom, son règne) mais aussi nos besoins et nos peurs (le pain, la tentation) et nos relations (le pardon). Ce chemin de purification est donc une purification de tout notre être. C’est pour cela que Thérèse insistait tant sur les vertus. Et nous savons que son Chemin de Perfection qui commente de manière d’ailleurs très originale le ‘Notre Père’ – que seul le Maître a véritablement prié et par lequel il nous enseigne toute prière – est précédé par un long traité sur ces vertus. Ce chemin de purification se réalise enfin dans et par le temps. La persévérance à laquelle invite Jésus est bien le combat de la prière voire sa réalité. « Prier c’est persévérer dans la prière » nous exhorte au fond Thérèse avec son image de la porte à franchir pour demeurer dans le château, quoiqu’il arrive. La prière est donc un chemin de purification pour nous faire désirer véritablement Dieu et son règne : « viens Seigneur ! »
La purification dont nous parlons est avant tout un appauvrissement : la prière est une réalité de pauvreté. Et là est sa joie profonde : béatitude des pauvres qui n’ont que Dieu comme appui ! Cette pauvreté est un non-savoir : on ne prie pas encore quand on se sait prier. Prier c’est ainsi ne pas savoir prier et implorer, pauvrement, l’Esprit Saint qui vient au secours de notre faiblesse, non pour la combler mais la creuser. Là est la prière : pour obtenir l’Esprit Saint comme a pu le dire saint Silouane.
Enfin et surtout la prière est une aventure de confiance : compter sur Dieu et par là vivre la confiance en les autres et en nous-mêmes. La prière fait grandir la communion de toute l’Eglise, avec les saints et les défunts et tel est bien le sens de notre prière pour Adam et la maman de sœur Mariam. Cette confiance donne l’audace, celle des pauvres qui n’ont rien à défendre. Audace dont peut-être Abraham a manqué pour ne pas descendre jusqu’à zéro ! Audace qui nous fait demander sans crainte car il peut y avoir le risque de ne pas demander pour ne pas être déçu ! Mais cette confiance nous fait aller au-delà des mots, non dans le mutisme évoqué à l’instant mais dans le silence habité de la présence. La prière est comme une maison, un château disait Thérèse.
Un peu comme une preuve par neuf de notre propos – qui vous le savez n’est pas une preuve mais est un simple indicateur de plausibilité – ces propos sur la prière montrent que celle-ci est trinitaire : chemin de confiance en le Père par la pauvreté que creuse l’Esprit – le Père des pauvres – et dans le regard, l’écoute de Jésus notre maitre de prière qui vient sans cesse guider et ajuster, purifier notre prière. Jésus qui est notre prière. Autre confirmation, ce mouvement n’est-il pas celui de la petite Thérèse dans sa voie d’amour : chemin des grands désirs – ambigus mais authentiques – de sainteté, pauvreté toujours plus ressentie et voie de la confiance et de l’espérance ! Que ce jour où nous accueillons le Christ ressuscité nous donne de croire toujours davantage au mystère de la prière lieu d’accueil de cette grâce, du pardon et de sa Paix, que la prière ancre toujours plus notre vie en lui telle la quille d’un bateau, que celle-ci soit comme la voile dans laquelle souffle l’Esprit qui nous conduit et nous transforme. Amen
Un commentaire
« SEIGNEUR, APPRENDS-NOUS À PRIER, COMME JEAN LE BAPTISTE, LUI AUSSI, L’A APPRIS À SES DISCIPLES » (Lc 11, 1-13). Imiter n’est pas un péché, surtout quand ce qu’on imite dérive d’une bonne action, qui contribue à notre Salut, sans pour autant offenser personne. JÉSUS est en prière, et dans cet acte, ses disciples voient certainement un geste d’humilité de celui qui pour eux, est le Messie, qui accomplit beaucoup de miracles et à qui des hommes rendent gloire et honneurs pour les bienfaits qu’IL accomplit pour eux. Et pourtant malgré tout, le CHRIST reste dans une attitude d’obéissance au PÈRE. Avoir beaucoup de richesses ne nous exempte pas de la prière ; car, ce n’est pas seulement pour sa pauvreté ou pour un quelconque manque, que l’Homme prie. La prière est avant tout un dialogue, le lieu et le moment où l’Homme se décentre de soi, se détache des avoirs, pour se centrer sur DIEU. De ce dialogue, naît une forte intimité et une grande confiance en DIEU, mais aussi l’ouverture aux autres et la confiance en soi. Car, la prière nourrit le corps et l’esprit et nous aide à surmonter la solitude, le stress de l’échec et la peur de perdre. Les disciples veulent aussi apprendre à prier, comme un héritage qu’ils demandent au MAÎTRE de leur transmettre. C’est à travers la prière qu’ils auront la force, la grâce et la foi, pour continuer l’œuvre du CHRIST. Et la prière reçue en signe d’héritage, ne consiste pas d’abord à une liste de demandes ou un ensemble de paroles à rabâcher. C’est une prière bâtie sur trois points : la louange, la demande et le pardon ; trois points qui définissent aussi la relation de l’Homme à DIEU, à soi-même et au prochain : Louer DIEU, demander l’essentiel du quotidien pour nourrir le corps et l’âme, pardonner aux autres. C’est donc dans la prière que l’Homme apprend à discipliner ses désirs, pour rechercher l’essentiel, à discerner pour mieux agir, grâce à la force de l’Esprit divin. Prier n’est donc pas un acte passager, occasionnel ou circonstanciel, mais, une attitude de foi, de confiance et de persévérance par laquelle l’Homme s’inscrit pour toujours à l’école de DIEU. Car, avec LUI, nous n’avons jamais fini d’apprendre, c’est-à-dire, de découvrir à la fois ses merveilles, mais également qui nous sommes réellement. Bon dimanche de méditation et de repos
Abbé ACHILLE KANDI, Archidiocèse de Bertoua