Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés
Huit mots – en grec (v.9) – pour dire toute la passion de Jésus et celle de son Père, et convoquer toute notre foi ! Si peu pour balbutier ce que peut être toute la folie d’amour en Dieu. Trop peu pour dire comment il s’épanche totalement de Lui vers nous. Bien peu encore, dans un silence à l’ébauche, pour dire comment nous pouvons répondre à ce don et cette invitation.
Je perçois un peu mieux pourquoi l’évangile de Jean se termine par cette constatation : le monde entier ne pourrait contenir les livres qui tenteraient de témoigner de cela. (Cf. Jean 21, 25) Nos vies non plus n’y suffiront jamais. Ce manque, loin d’être une frustration, est grâce et pour nous et pour Dieu. Il descelle la source de la joie, et emporte vers sa plénitude.
Comment parler de l’amour du Dieu Père dont toute la joie est de se déprendre totalement de lui-même pour son Fils ? Nous devinons un peu comment ce Fils s’est « vidé » par amour pour nous. Mais percevons-nous la kénose du Père, ce Dieu que nous mettons au trop haut des cieux parce que nous l’enfermons dans une toute-puissance qui n’a rien à voir avec l’Amour qui n’est qu’à se donner sans cesse, se déposséder en infinie liberté ? Un auteur a écrit « Dieu est nu » et pas « Dieu nu en Jésus.
Ne vaut-il pas la peine de se laisser plonger dans le mystère ébauché ? A ce moment, terre et ciel se mettent à trembler. Les bases de nos mondes sont secouées, ébranlées et nous sommes peu à peu dépouillés de certitudes qui nous rassuraient mais ne nous donnaient ni la liberté, ni la vie et encore moins la joie. Car, à force de tenter de nous élever vers ce Grand Dieu, nous attrapons des crampes que nous rendent incapables d’imiter le maître en ses abaissements d’amour.
Alors, notre plus grande œuvre n’est-elle pas d’accueillir l’Amour assoiffé dont nous sommes aimés de toute éternité, de demeurer en ce lieu et d’y accueillir la joie même de Dieu ? Car « l’amour [est] une source qui a soif » écrivait la poétesse Marie-Noël.
Un commentaire