Demeurer ou aller ? Garder ou se dessaisir ? Comment trouver son chemin dans les apparentes contradictions où Jésus nous place aujourd’hui ?
Demeurer ou aller … Demeurer, c’est s’arrêter et durer en un lieu, s’installer parfois. Mais ce lieu ici est l’amour : demeurez en mon amour. L’amour est insaisissable, mobile, en continuelle évolution, en perpétuelle naissance ! Ne s’agit-il pas alors de demeurer en mouvement, dans l’incessante nouveauté de la relation avec l’Aimé qui nous surprend, nous déplace, nous envoie pour porter du fruit, un fruit qui demeure ?
Garder ou se dessaisir … Jésus nous invite à garder ses commandements, et directement, il précise son unique commandement : nous aimer les uns les autres, comme il nous a aimés, en nous dessaisissant de notre vie pour ceux qu’on aime. Celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la trouvera. (Mt 16, 25). Jésus nous fait passer de la multiplicité de la loi à l’unicité du commandement d’amour. Il nous déplace de la loi dont on garderait et observerait tous les préceptes comme des pépites qui nous feraient mériter le ciel, au commandement de l’amour, dans un mouvement de perte pour la vie ! Car en amour, il faut perdre pour gagner …
Cela nous semble hors de portée … car seuls ceux qui se laissent accueillir comme ses amis peuvent entrer dans le mouvement-même de Jésus. Quand Dieu nous choisit comme amis, nous sortons de l’esclavage de la loi, et nous pouvons devenir libres d’aimer sans contrainte.
C’est moi qui vous ai choisis … étrange parole de Jésus pour le jour où nous fêtons Saint Matthias qui a été désigné par un tirage au sort ! Matthias est sans doute moins juste que Barsabas, nommé Justus. Mais il est celui que la miséricorde de Dieu a choisi pour ami, afin qu’il aille et porte du fruit …
Appel de Pierre et André, peinture de Duccio, Mæsta à Sienne (Italie), 13°-14° siècle
Un commentaire
AIMEZ-VOUS LES UNS LES AUTRES COMME JE VOUS AI AIMÉS. IL N’Y A PAS DE PLUS GRAND AMOUR QUE DE DONNER SA VIE POUR CEUX QU’ON AIME (Jn 15, 9-17). Là où l’amour fait les premiers pas, là où le premier langage amorcé est celui de l’amour, l’acte qui suit ne peut être que désintéressé. Car, l’amour est la victoire du désintérêt sur le calcul, l’oppression et la domination. L’amour est la valeur la plus haute de l’humanité. Rien de concret ne peut se construire entre les hommes, si au départ, il n’y a pas l’amour, c’est-à-dire, la puissance qui rompt toutes les barrières discriminatoires, qui réduit les distances et qui ouvrent des chemins de dialogue, de pardon, d’unité et de paix. L’amour implique nécessairement le don, l’ouverture, le sacrifice. Aimer c’est prendre le risque de ne pas être aimé en retour, c’est aussi accepter renoncer à quelque chose de soi, pour enrichir l’autre. C’est risquer la désillusion, la trahison, le rejet, le reniement. Mais, la trahison n’implique pas forcément la fermeture sur soi. Elle est parfois le signe que l’amour n’a pas trouvé sa véritable demeure, son véritable lieu d’habitation, le cœur propice à son émancipation. Car, lorsque le véritable amour est trouvé, il dilate le cœur de l’Homme, déploie toutes ses capacités, pour de meilleures actions. L’amour vrai est le début de tout véritable projet. Et c’est cela le premier commandement et le plus grand héritage laissé par DIEU aux hommes. Il est grand parce qu’il ordonne le cœur et la raison ; il est le premier entre tous les commandements, parce que tous les autres lui sont subordonnés. L’amour régule les relations humaines, quand il recommande le pardon, la miséricorde, la charité, la justice. Or, l’Homme ne peut aimer véritablement qu’en s’inspirant de l’amour de DIEU, de la façon dont le CHRIST nous a aimés. Et celui qui a le CHRIST pour boussole et référence en matière d’amour, est sûr de ne pas se tromper. L’imiter, c’est sortir de nous-mêmes, nous arracher à nos sécurités et aux garanties que nous nous construisons souvent nous-mêmes. Aimer c’est donc apprendre à porter sa croix, et lorsque cette croix devient notre quotidien et qu’elle est assumée avec joie et sérénité, elle se transforme aussi en lieu de notre propre épanouissement. Car, l’amour en soi est mobile, en perpétuelle évolution. Bon week-end de méditation et de repos
Abbé ACHILLE KANDI, Archidiocèse de Bertoua