Une tension entre Jésus et les autorités juives de son temps traverse l’entièreté de l’Evangile de Jean. Le récit d’aujourd’hui en est tout imprégné. Néanmoins, après l’épisode de la femme adultère renvoyée miséricordieusement à la vérité de sa vie, le témoignage de Jésus qui suscite, lui aussi, la controverse, en déplace d’autres. Et Jésus s’adresse précisément à eux : « Il dit alors aux Juifs qui l’avaient cru…» (Jn 8, 31). Une porte s’entrouvre donc, et Jésus s’y engouffre par un triple « si » (quadruple même). Autant de pas que nous sommes invités à poser….
« Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples et vous connaîtrez la vérité et la vérité vous libérera » … (v 31).
Que pouvaient bien comprendre les contemporains de Jésus de ce « demeurer dans ma parole » ? L’épisode immédiat de la femme adultère peut nous éclairer : « Que celui d’entre vous qui est sans péché lui jette le premier une pierre ! ». Il n’en faut pas plus pour que scribes et pharisiens – accusateurs se retirent les uns après les autres…. sous l’effet d’une parole « efficace et plus incisive qu’aucun glaive à deux tranchants » (Hb 4, 12). Une parole qui fait la lumière sur le vécu des uns et des autres, mais pour libérer (« Moi non plus je ne te condamne pas » v.11) et non pour condamner (« Moïse nous a prescrit de lapider ces femmes-là » v 5). La libération du pécheur que nous sommes ne fait pas l’économie d’une mise en lumière de nos zones d’ombre, d’une connaissance de la vérité, mais au cœur d’une parole à accueillir. Et cette parole est le Verbe :
« Si donc le Fils vous libère, vous serez réellement libres » … (v 36). Pour entrer dans cette dynamique de libération dans laquelle le Fils veut nous entraîner, encore faut-il se reconnaître « esclave ». Quelle surprise d’entendre dans la bouche des juifs qui écoutent Jésus : « Nous sommes la descendance d’Abraham et jamais nous n’avons été esclaves de personne » (v 33), alors que la libération de l’esclavage en Egypte pour entrer en terre promise est l’expérience fondatrice par excellence du peuple de l’Alliance ! Sommes-nous plus clairvoyants ? Avons-nous plus de facilité à nous laisser dire « quiconque commet le péché est esclave » (v 34) ? Un esclavage dont on ne se libère pas à la force du poignet (les bonnes résolutions de carême…) mais dont on est libéré par le Fils. Un don (« Je ne te condamne pas ») et une responsabilité (« Va, désormais ne pèche plus » (v 11).
« Si vous êtes enfants d’Abraham, faites les œuvres d’Abraham. Or maintenant vous cherchez à me tuer, moi, un homme qui vous ai dit la vérité, que j’ai entendue de Dieu » (v 39-40), « vous faites ce que vous avez entendu auprès de votre père » (v 38). La mise en parallèle du père et du Père, opérée par l’évangéliste Jean, témoigne des voix discordantes qui peuvent nous traverser, et nous tirer du côté de la mort (« Vous cherchez à me tuer, parce que ma parole ne pénètre pas en vous » v37) ou de la vie, par l’écoute patiente de la parole, en vrai disciple (v 31). Charles de Foucauld l’avait compris : « Il faut tâcher de vous imprégner de l’esprit de Jésus en lisant et relisant, méditant et reméditant sans cesse ses paroles et ses exemples : qu’ils fassent dans nos âmes comme la goutte d’eau qui tombe et retombe sur une dalle toujours à la même place… » (Lettre à Louis Massignon, 22 juillet 1914).
Un commentaire