Dieu au Corps à corps
Voici donc « l’Heure extrême » où Jésus s’est déjà destitué de tout. Tout son avoir, tout son pouvoir et son savoir, il les a répandus, Semeur de paroles et de gestes pour vivifier les esprits et les corps brisés, à la croisée des chemins, dans la cohue des viles et villages.
Alors dans le silence de la Chambre Haute, dans le cercle grave de l’amitié, Jésus « dépose son vêtement », et ainsi ressaisit tout son être dans un geste qui, une fois encore, une fois pour toutes, se pose sur les corps, comme la caresse de Dieu sur notre humanité souffrante et déchirée.
L’agenouillement de Dieu en état d’urgence !
Dieu au Corps à corps avec la violence où s’abîme notre monde, hier, aujourd’hui, toujours…
Jésus bouscule le rituel : il va de l’un à l’autre, face à face singulier qui, des pieds au visage, élève chacun et le restaure.
« Comprenez-vous ce que je vous ai fait » ?
Dans ce geste si banal auquel nous résistons, c’est son Corps tout entier qui passe de l’un à l’autre, qui se donne dans l’entre nous, son Corps qui s’efface et se fait Nous.
« Faites ceci en mémoire de moi ».
Voici donc le mémorial de notre propre donation, jusqu’à la brisure du moi, de son isolement hautain et tragique.
Et si nos corps consentent à être ainsi rompus, ne deviendraient-ils pas espace où « se rassemblent », enfin, « les enfants de Dieu dispersés » ?
Un commentaire
SI MOI, LE SEIGNEUR ET LE MAÎTRE, JE VOUS AI LAVÉ LES PIEDS, VOUS AUSSI, VOUS DEVEZ VOUS LAVER LES PIEDS LES UNS AUX AUTRES. C’EST UN EXEMPLE QUE JE VOUS AI DONNÉ AFIN QUE VOUS FASSIEZ, VOUS AUSSI, COMME J’AI FAIT POUR VOUS (Jn 13, 1-15). Pour devenir comme le Maître, le disciple doit suivre ses pas, se mettre à son école. C’est le signe de l’humilité, qui est une école de sagesse. On ne devient pas forcément grand par la richesse, la force ou le pouvoir, mais, par les actes que nous posons, lorsque nous savons servir les autres, par la disponibilité, l’abaissement, l’amour et le don de soi. JÉSUS s’est identifié auprès de ses disciples, comme le Maître et le SEIGNEUR, à travers ses enseignements, ses actes d’amour et plus encore, par le lavement des pieds, où IL prend le rôle de serviteur. IL réduit ainsi la distance qui sépare le Maître du serviteur, le SEIGNEUR du disciple, pour instaurer un climat de confiance, de sérénité et d’amitié sincère. Et c’est ce geste d’humilité et de proximité réciproque qu’IL nous recommande de faire. Se laver les pieds les uns les autres, c’est avant tout apprendre à nous aimer et à nous faire confiance mutuellement, apprendre à nous accepter aussi les uns les autres, malgré nos différences. Il faut une grande proximité, un désir propre d’unité, pour pouvoir poser un tel geste, sans peur ni crainte. Se laver les pieds les uns les autres, c’est aussi apprendre à nous purifier réciproquement, par des gestes de correction fraternelle, de pardon et de réconfort. Et JÉSUS le fait quelques temps avant sa mort, avant sa séparation d’avec les disciples, comme un héritage qu’IL laisse, un exemple d’amour qui doit se perpétuer. IL ne leur laisse pas des richesses matérielles, qui pourraient causer des divisions et des conflits, mais plutôt ses enseignements, le mémorial eucharistique et le geste du lavement des pieds, qui sont des signes d’amour et d’unité, qui permettront aux disciples de toujours se retrouver, pour faire mémoire de LUI. Léguer un bien matériel, c’est courir le risque de le perdre et de diviser la famille, mais léguer un enseignement, un mémorial qui rassemble, c’est semer une graine d’amour, qui s’accroît dans la mesure où elle se perpétue et se vit de génération en génération. Et l’Eucharistie est cette graine d’amour qui rassemble les hommes de toutes races, langues, peuples et nations. Bon Triduum Pascal
Abbé ACHILLE KANDI, Archidiocèse de Bertoua