« En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé qui tombe en terre ne meurt pas, il reste seul ; si au contraire il meurt, il porte du fruit en abondance » (Jn 12,24)
De ma naissance, je ne m’en souviens pas vraiment. De vagues souvenirs de soleil et de vent, de rires joyeux de jeunes gens qui viennent faucilles à la main et refrains aux lèvres semer le désordre dans ma famille.
Puis plus rien…
J’ai été malade, et maintenant je suis mort. J’ai été mort. Je me suis vu mourir et j’ai senti mon corps s’anéantir, disparaître. La vie est partie de moi, complètement. J’ai senti en un dernier frisson la fin de mon existence.
D’abord jeté tout seul, dans une pièce noire et sèche, j’ai perdu toute mon eau. Déshydraté et sec comme un tesson, j’ai cru que mon dernier instant était arrivé.
Puis, j’ai été enfourné dans un grand sac avec des morts-vivants comme moi, nous nous entrechoquions tels des squelettes. C’était affreux !
Une main ferme et sûre nous a jeté et je me suis retrouvé sous la terre noire, enterré presque vivant.
Et maintenant, je suis mort vraiment.
Tout en moi est mort et se détériore. J’ai froid, j’ai peur, je suis seul. Mon ventre s’est fendillé, puis ouvert dans un craquement d’outre-tombe. Ma peau s’est fendue puis désagrégée, et je me suis retrouvé nu et vulnérable au contact de la terre humide et noire. Tout était silence.
[…]
Trois jours se sont passés.
Je ne reprends le récit que maintenant, la vie est un mystère.
Ma vie est un mystère.
Après trois jours de grande angoisse, de souffrance, et de mort… Je me suis réveillé. Était-ce un coma ? Une véritable mort ? Je n’en sais rien.
Tout ce que je sais, c’est que je me sens vivre à nouveau. C’est émouvant, si j’étais humain, je vous dirais que j’ai presqu’envie de pleurer.
Je me suis donc réveillé avec un poids sur le ventre que je croyais disparu, mais en fait un petit ventre tout petit, tout tendre, tout vert avait poussé à la place de l’ancien. J’ai retrouvé un petit sac, en pleine décomposition. Mais moi, je revis !
Je me suis recroquevillé pour prendre soin de la vie qui germait en moi, comme si de vieille chrysalide, je me transformais en papillon.
Chaque jour apporte sa surprise, je pousse, je me sens pousser, grandir, mon ventre grandit et un petit germe blanc en est sorti. Hier, c’était comme ça. Mais ce matin, je sens une petite tige blanche qui pousse vers le bas en se ramifiant ; et une petite tige verte tendre qui pousse vers le haut… c’est bizarre.
Toute mon ancienne peau est partie et laisse place à la nouvelle germination, vers le bas et vers le haut. Ça tire un peu, et je bouge comme une danse au ralenti. Je me sens devenir fort. Et surtout, je me raconte des blagues, je ris tout seul, j’ai le cœur en fête et l’humeur badine. Et pour la première fois, j’ai senti que mes amis me manquaient.
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