Mais où donc la Bible de Jérusalem a-t-elle été chercher son titre : le mauvais riche et le pauvre Lazare ? Vu sous cet angle, la parabole ne serait qu’une petite fable moralisante qui envoie les riches en enfer et les pauvres au paradis.
La seule chose qu’on puisse dire de cet homme riche, c’est qu’il n’a pas de nom, qu’il possède une maison, des vêtements raffinés, des mets excellents et qu’il ne voit rien … Il est défini par ce qu’il possède. Il a aussi des frères qui vivent comme lui. Cinq, c’est le symbole de la Loi juive. Bien installé dans sa Loi, il ne voit rien.
Le pauvre est désigné par son nom. Il s’appelle Lazare, il est exclu, rejeté, malade, et n’a comme seule compagnie que des chiens. C’est un homme impur qui vit en présence d’animaux impurs. Il ressemble à un mort, et pourtant il a un grand désir, une faim, une soif : il aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche. Mais entre lui et le riche, il n’y a aucune relation, aucune communication.
A première vue, la mort des deux hommes renverse complètement la situation … et pourtant, rien n’a changé : un grand abîme les séparait de leur vivant, et les sépare toujours. Le riche était déjà un homme seul, à part, torturé, mais il ne le savait pas. Il comblait son manque par son opulence. Ce repu se met enfin à avoir soif, ce satisfait se met enfin à désirer, cet isolé se met enfin à voir les autres, Lazare, Abraham, ses frères.
Ce riche n’était pas mauvais ! Il était aveugle, il était mort et condamné … il aura fallu qu’il fasse l’expérience du manque, l’expérience du plus grand dénuement, le passage par la mort, pour commencer à vivre, à désirer, à entrer en relation … C’est aujourd’hui le temps favorable, ouvrons les yeux sur nos manques, et laissons-les éveiller en nous le désir qui est vie.
Un commentaire