Dans un texte apocalyptique, jamais facile, où l’on projette souvent d’emblée la fin du monde et ses catastrophes, (les annonces n’en ont jamais manqué), quelle peut bien être la « Bonne Nouvelle », la « perle cachée dans le champ » de cette Parole ?
Car même si nous lisons facilement « nos jours » dans « les jours » décrits ici, quelle peut en être l’intérêt, sinon de se faire peur où de faire peur aux autres ?
Et si ce petit refrain de « jour » était une clé ? Sept fois il revient : temps des humains où s’inscrivent en cyclone nos agendas électroniques, emporté par le souffle du « je n’ai pas le temps » : « on mangeait, on buvait, on se mariait, on achetait, on vendait, on plantait, on bâtissait… ! » (v. 27-28) Essoufflant en effet !
Pourtant à y regarder de près, « les jours, le Jour du Fils de l’Homme » encadrent ceux des hommes. (V. 26 et 30) comme pour les contenir, les orienter.
Jésus ne nous reproche pas cette folle manière de vivre, mais met en garde contre le risque encouru par les humains d’en perdre le sens, faute de Sens. Ici sans doute s’offre à nous « le Jour du Fils de l’Homme », si nous acceptons de « perdre » la main mise sur « nos jours », de refuser les « retours en arrière », pour « gagner en Vie sa vie ». (v. 33 trad. Grecque).
Ouvrir notre temps au temps de Dieu en Jésus-Christ, n’est-ce pas accueillir dès aujourd’hui la « révélation de Son Jour » ? Et s’Il le révèle, n’est-ce pas qu’il est déjà là, habitant notre temps ? Telles les manifestations de Jésus Ressuscité, au jardin, sur le chemin d’Emmaüs, toutes portes closes ou au bord du lac, dans ses plaies, sa Parole ou le repas… Pour le reconnaître, peut-être suffit-il « d’entrer dans l’Arche » avec Noé, de « sortir de la ville » avec Loth : rejoindre l’intériorité où Il habite, sortir à sa rencontre pour découvrir qu’Il marche à nos côtés en chaque visage humain. Et nous l’entendrons dire quand il viendra dans sa gloire : « chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits, qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25,40)
Un commentaire
ON MANGEAIT, ON BUVAIT, ON ACHETAIT, ON VENDAIT, ON PLANTAIT, ON BATISSAIT ; MAIS LE JOUR OÙ LOTH SORTIT DE SODOME, DU CIEL TOMBA UNE PLUIE DE FEU ET DE SOUFRE QUI LES FIT TOUS PÉRIR (Lc 17, 26-37). La vie est une succession d’évènements à la fois tragiques et dramatiques, heureux et douloureux, tristes et joyeux, mais qui n’empêchent pas à l’Homme de se réaliser en permanence. Ou plutôt, l’Homme se réalise à travers tous les évènements qui meublent la trame de son existence. Dans la mesure où aucune situation n’est éternelle, le courage n’exclut pas l’angoisse, la peur n’éloigne pas du danger, la tristesse se pose à côté de la joie et la passion ouvre à la gloire. Mais, n’est-ce pas pourtant ce déséquilibre des forces et de la réalité sociale qui permet à l’Homme de rester dans une dynamique d’espérance, de foi et d’engagements ? La souffrance n’est pas une tragédie perpétuelle, qui nous enfermerait dans l’utopie d’un monde meilleur ou encore dans la lassitude des efforts. C’est la difficulté qui porte l’Homme à mieux penser, à prier davantage et à se dévouer encore plus dans la recherche et l’effort. Dès lors, la routine ne doit pas nous endormir, tout comme un certain confort ou aisance matérielle ne doit pas anéantir nos efforts ni nous empêcher de continuer à œuvrer, encore moins de freiner nos élans de foi. La fin de l’Homme n’est pas simplement le bonheur ici-bas, mais davantage, la félicité éternelle. Du temps de Loth, on mangeait, on buvait et personne ne se doutait de rien, car on croyait que tout était accompli. L’Homme pensait ne plus avoir besoin de rien, pas même de DIEU. Du coup, les réjouissances ont fini par fermer la porte à l’effort, les plaisirs mondains ont fait perdre de vue la recherche du Salut, le confort matériel a fait oublier la vanité de la vie et l’éphémère de toute chose sous le soleil. Et lorsque la Parole de DIEU résonne à nouveau dans nos cœurs, pour nous inviter à la conversion, c’est-à-dire à retrouver le véritable chemin et l’idéal de l’Homme parfait, celui qui s’est enfermé depuis lors dans l’indifférence et l’incrédulité, ne verra qu’en cette Parole de DIEU un poids, l’opium du peuple ou un obstacle à l’épanouissement de l’Homme. Pour profiter des plaisirs mondains et des pouvoirs éphémères, l’Homme se trouve contraint d’éliminer DIEU, pour rentrer lui-même en possession de la grandeur humaine, qui prétend se réaliser sans DIEU. Mais, quiconque cherche à conserver sa vie, par ses propres moyens limités, la perdra. Et celui qui la perd en DIEU, la sauvegarde pour toujours. Bonne journée de méditation et de travail
Abbé ACHILLE KANDI, Archidiocèse de Bertoua