Kyrie eleison : Seigneur, prends pitié de moi
Assis au bord du chemin, sans horizon ni perspective, l’aveugle privé d’un sens exacerbe les autres. Les oreilles largement ouvertes, il entend ce qu’il ne peut voir, devine que le salut s’approche de lui et le fait advenir. Il ne se résout pas à être compté pour rien, en marge, au bord du chemin. Il s’informe, donne de la voix, crie. Il ne se laisse pas intimider par ceux qui tentent de lui dérober la parole. Ce sans-nom refuse de se laisser dissoudre dans le brouhaha de la foule. Il a deviné, entendu Jésus et n’entendra rien d’autre, il n’entendra pas la foule qui lui demande un peu de discrétion. Et il sera entendu de Jésus, il lui fera marquer, dans sa marche vers Jérusalem, un temps d’arrêt qui ne sera que pour lui.
Jésus s’arrête mais ne se déplace pas aux côtés de l’aveugle. C’est celui-ci qui se rend proche, aidé paradoxalement par la foule qui voulait d’abord l’écarter de la présence de celui qui est reconnu « Fils de David ». Jésus lui rend sa dignité en même temps que la parole que la foule voulait lui dérober. « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Et l’aveugle, avant même de formuler son attente profonde, le reconnaît comme Seigneur. Sa foi l’a fait voir avant même que ses yeux ne soient ouverts. C’est ce que Jésus confirme : « Ta foi t’a sauvé ! » Et du même élan qui l’a porté jusqu’au Seigneur, il se met à le suivre.
Je me suis souvent demandé, interrogé pour savoir si j’écoutais ce que le Seigneur tentait de me dire. Aujourd’hui, une autre question surgit en moi, étonnante : est-ce que je ne prive pas le Seigneur de ma parole, de mes cris, du don de mes blessures et de mes angoisses ? Ne serait-ce pas acte de confiance sans cesse renouvelée ? Puisque je suis l’aveugle au bord du chemin, pousserais-je mon cri ?
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