Après l’enthousiasme, la haine. En un seul épisode de l’Évangile, nous avons ici un résumé de toute la vie de Jésus.
Celui-ci venait de lire et commenter très brièvement un passage « restructuré », quelque peu remanié, du prophète Isaïe. Les auditeurs attendaient une exégèse ; ils entendent une annonce, inattendue, étrange, inouïe : « Aujourd’hui cette écriture est accomplie pour vous qui entendez ! »
Folle espérance à laquelle les gens de Nazareth se montrent d’abord accueillants.
Bien vite cependant, le doute s’insinue. Sur quoi s’appuie cette affirmation ? Qu’est-ce qui autorise Jésus à prendre une telle liberté qui convoque radicalement la leur, puisqu’elle demande confiance et accueil ?
La discussion se prolonge et s’envenime. La lumière ne se porte plus d’abord sur le texte, mais sur la personne de Jésus. Lui connaît les débats des cœurs. Il provoque son auditoire et prend dans l’Écriture, des exemples qui font mal aux bien-pensants. Il souligne que les prophètes ont souvent été envoyés hors frontières, qu’ils ont été chargés de mission pour des pauvres qui avaient le don lumineux de la confiance. Paroles difficiles à entendre. Elles suscitent rage et violence. Et Jésus de conclure : Nul n’est prophète en son pays.
« Car le prophète est par essence un nomade et un pays est un îlot qui s’évertue à répertorier les siens et à les garder au port. Le prophète, lui, regarde la mer. Il sait que la vérité se trouve toujours au-delà de l’horizon, mais qu’elle se donne déjà dans le mouvement de celui qui rompt les amarres. Qui comme toi nous déplace, Seigneur, pour nous protéger de nos scléroses ? Qui mieux que toi peut nous faire la grâce des éternels recommencements ? »[1]
[1] Marion Muller-Colard, Éclats d’Évangile
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