Au-delà de toute peur…
Une première écoute, une amorce de confiance : il suffit parfois de ce peu pour traverser l’échec de la nuit et retrouver l’élan qui donne d’avancer, une fois encore, en eaux profondes, en ces espaces parfois infructueux qui laminent notre espérance. Thérèse d’Avila y discerne « un effet de la grâce de Dieu qui donne le courage de décider à poursuivre, avec une détermination énergique, la conquête d’un si grand bien » (Vie 11,4). Et il importe de poser les gestes habituels, sans se lasser, sans y croire vraiment, peut-être… Or contre toute attente, l’inespéré se produit alors : c’est le débordement du don, l’irruption de l’inattendu, l’événement tellement inouï, au-delà de la mesure prévue… Et la peur s’empare de nos consciences : nous nous jugeons impropres à une grâce si excessive, parce toute maîtrise nous échappe. « Seigneur, éloigne-toi de moi, car je suis un homme pêcheur. » Celui qui a tant donné semble nous terrifier, sans doute parce que le soupçon nous habite encore : il pourrait se raviser et reprendre ce don… Thérèse d’Avila approche avec finesse les ressorts de cette peur :
« Nous ne sommes plus à nous mais à Dieu. Là, nous sommes près de lui, le Maître, car, n’en doutons pas, il est près de nous. (…) Si nous voulons jouir de la liberté d’esprit et ne point vivre sans cesse au milieu des angoisses, commençons par ne point redouter la croix » (Vie 11,13-18).
« N’aie pas peur ! ». Il y a vraiment une conversion à vivre, au cœur même de la réception du don de notre Dieu et de la mission qu’il nous confie : ce Maître veut se faire notre Ami. Il n’est pas de ces divinités païennes qui mesurent leurs dons à la terreur sacrée de leurs sujets !
Entrer en conversion de notre regard et de notre imaginaire : développer en nous cette capacité de déposer librement notre vie entre les mains d’un Autre, « dont nous savons qu’il nous aime ». C’est aussi la capacité de recevoir sa vie dans un échange de pure gratuité. Ce dessaisissement est vulnérabilité, abandon de soi, anticipation de la traversée croyante de la mort, dans l’espérance d’un don surabondant qui rend possible le risque de perdre radicalement sa vie pour l’autre.
« Dieu a plus de sollicitude pour nous que nous-mêmes et il sait à quoi chacun de nous est propre. A quoi bon vouloir se diriger soi-même quand on a remis toute sa volonté entre les mains de Dieu ? » (Vie 22,12)
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