« La transfiguration du repas »
Jésus vient d’appeler Lévi, il est encore assis à la table de la foule des pécheurs, quand les pharisiens et les scribes viennent à lui pour lui poser une nouvelle question. Il l’interroge sur l’ascèse respectée par les disciples de Jean et par les pharisiens « le jeûne et la prière », mais qu’enfreignent ceux qui le suivent « ils mangent et boivent ! » (v.33).
Mais Jésus dépasse la simple question du jeûne pour la présence à l’Époux venu faire alliance avec tout son peuple. Jésus sort ses détracteurs du brouillage possible entre volontarisme et orgueil pour la dynamique de l’offrande et du cœur pur. C’est là que réside l’absolue nouveauté illustrée par le vêtement neuf (celui du baptême) et le vin nouveau (eucharistique). Jésus les oriente vers cette nouvelle alliance d’intimité annoncée par les prophètes (Jr 31,31 ; Ez 36,26 ; Os 2,16).
Il me semble que c’est cette intimité-là (entre l’Époux et son disciple) qu’a réussi à rendre visible Francisco de Zurbarán dans sa toile « Saint Hugues au réfectoire des Chartreux », peinte entre 1630 et 1635. La légende raconte que la viande offerte par l’évêque de Grenoble (futur saint Hugues) s’est transformé en cendres, confortant les moines dans leur choix de l’abstinence.
Mais au delà de l’anecdote alimentaire, la disposition iconique des corps, la sobriété hiératique de la mise en scène des personnages et de la table, la blancheur des vêtements neufs des moines, ainsi que le pain et le vin, nous mettent en présence d’une autre réalité. Nous sommes témoins de la transfiguration de leur quotidien, croqué par le peintre dans une sorte d’immuabilité qui nous dit, pour aujourd’hui, que le Seigneur est là, toujours là assis à nos tables.
Sr Nathalie, communauté de Mechref, Liban, 4 septembre 2015
Un commentaire
LE MORCEAU QUI VIENT DU NEUF NE S’ACCORDERA PAS AVEC LE VIEUX. ET PERSONNE NE MET DU VIN NOUVEAU DANS DE VIEILLES OUTRES… ON DOIT METTRE LE VIN NOUVEAU DANS DES OUTRES NEUVES (Lc 5, 33-39). Le fait d’agir simplement par commodité, nous fait perdre le sens et la valeur de notre action. Car, chaque acte que nous posons, doit avoir un sens, un objectif, une fin visée, un but recherché. Et c’est cela même qui garantit ou motive notre dévouement. Ni la prière, ni le jeûne ne sont des pratiques à exercer juste par obéissance à une loi ou par commodité. Prier, selon l’horizon évangélique, c’est rencontrer un DIEU qui s’est fait proche de nous, un DIEU qui s’est dépouillé, pour partager notre humanité et nous enrichir de sa divinité. Ainsi, le jeûne, la prière, la charité rentrent dans cette dynamique de la rencontre avec le DIEU que nous révèle le CHRIST. Telle est sa nouveauté, celle qui ouvre pour chacun un nouveau mode de vivre la foi, une façon différente de croire, d’aimer, de prier, où il n’est plus simplement question de rabâcher et de répéter des prières. C’est pourquoi la nouveauté de l’évangile ne peut s’accorder avec les vieilles habitudes. Et pour rendre cette nouveauté effective, le cœur doit se dépouiller de ses vieilles outres ; il doit renouveler son tissu spirituel, afin de pouvoir accueillir le neuf. Or, se dépouiller est aussi une forme de purification. Et chaque fois que nous devons nous purifier, pour accueillir la nouveauté de l’évangile, nous nous renouvelons aussi intérieurement. Ainsi, la nouveauté n’est pas simplement liée au fait des accords, mais aussi à notre renouvellement intérieur. C’est l’harmonisation entre la Parole de DIEU et les désirs de notre cœur, l’accord entre ma volonté et celle plus grande de DIEU. Et pour que cet accord soit possible, il faut que le cœur soit purifié, c’est-à-dire débarrasser de tout ce qui fait obstacle à la lumière divine en nous. Pour que le vin nouveau garde toute sa saveur, il faut qu’il soit mis dans des outres neuves. Il en est de même pour la nouveauté que nous apporte le CHRIST : pour que nous puissions refléter cette nouveauté, nous devons nous éloigner de tout ce qui corrompt nos pensées, nos idées, nos désirs. Bonne journée de méditation et de travail
Abbé ACHILLE KANDI, Archidiocèse de Bertoua