« Quel avantage un homme aura-t-il à gagner le monde entier, s’il se perd ou se ruine lui-même ? » (v.25) nous interroge Jésus.
Il interpelle notre avidité boulimique et sans fond du tout avoir, de tout posséder … jusqu’au monde entier. Ce désir en creux qui nous fait focaliser sur ce que nous n’avons pas, sur le verre à moitié vide plutôt qu’à moitié plein, sur ce désir mimétique de toujours convoiter ce que possède les autres.
Or, les sagesses universelles ont toujours mis l’homme en garde contre cette soif jalouse de l’avoir temporel et de son caractère provisoire et mortifère.
Un proverbe peul dit : « Le contentement de ce que l’on a, fait partie du bonheur ». Sagesse qui fait écho à l’évangile (Cf. Lc 8,18 ; 19,26) mentionnant le mystérieux don de surcroît, avoir et recevoir encore plus, opposé à la ruine de celui qui se fera enlever même ce qu’il n’a pas. « […] à celui qui a, on donnera ; et à celui qui n’a pas, même ce qu’il croit avoir sera enlevé. »
La problématique est déplacée : il ne s’agit plus d’avoir ou de ne pas avoir, mais de la conscience du recevoir qui appelle la joie.
Aujourd’hui encore, Jésus appelle en chacun de nous l’homme ou la femme d’action de grâce, celui ou celle qui a découvert que toute sa vie n’est que don du Père et que son véritable trésor est le royaume des Cieux au-dedans de lui, et qui rayonne de la Béatitude des pauvres, car il se sait riche de n’avoir rien en propre et d’avoir tout reçu d’un Autre. C’est en ce dépouillement que surgit le paradoxe du « nada », ne rien posséder et pourtant jouir de tout.
Car la soif inépuisable de l’homme est en réalité une soif d’éternité, que seul Dieu peut transformer en jubilation, et donc combler.
« Que tardes-tu, ô mon âme,
puisque dès à présent, tu peux aimer Dieu dans ton cœur ?
Les cieux sont à moi, la terre est à moi ;
les nations à moi ;
les justes, à moi ;
les pécheurs, à moi ;
les anges, à moi ;
la Mère de Dieu et toutes les créatures, à moi ;
Dieu lui-même est à moi et pour moi,
puisque le Christ est à moi et tout entier pour moi.
Que demandes-tu, et que cherches-tu encore, ô mon âme ?
Tout cela est à toi et tout cela est pour toi.
(Saint Jean de la Croix, extrait de la Prière de l’âme énamourée, traduction P. Grégoire de Saint-Joseph, ocd)
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