Fondation et mission dans le souffle de l’Esprit (15/07/2015)
Introduction
Quand j’ai réfléchi à ce sujet, je me suis dit que cela était tout à fait approprié à la dynamique qui articule les deux volumes de Luc qui forment un diptyque indissociable. La mission qui est racontée dans les actes des apôtres ne se dévoile pleinement qu’à la lumière de ce qui la fonde, c’est-à-dire de ce qui s’est passé avec Jésus de Nazareth et qui est raconté dans les Evangiles.
Cela s’inscrit aussi parfaitement dans la pensée des exégètes : le troisième Evangile et les actes des apôtres constituent une seule œuvre littéraire.
« Il s’agit de relire l’Evangile à partir des actes pour y chercher les clés herméneutiques et déceler dans les actes la réalisation des prédictions de l’Evangile » (D. Marguerat). Il faut tenir la position de l’unité littéraire des Actes et de Luc.
Cette tradition de Luc est encore aujourd’hui une source vive pour notre suite du Christ aujourd’hui.
Revisiter l’œuvre de Luc à partir de notre expérience de vie communautaire pour retrouver les clés de compréhension et déceler comment continuer à inscrire de façon toujours nouvelle la mission aujourd’hui.
Le lien historique de l’histoire de Jésus et de la prédication chrétienne est un témoignage qui continue de se passer aujourd’hui.
Il ne s’agit pas simplement de réactualiser Luc, mais chaque fois que Jésus Christ est annoncé, cela actualise la vérité de Luc et confirme son unité littéraire.
L’annonce de l’Evangile se présente sous un double aspect : on y entend ce qui est arrivé et à Jésus et on y entend ce qui se passe chaque fois qu’on rencontre la Parole de Jésus.
- La Mission du Messie Fils de Dieu
- La mission (2e moitié de l’Evangile)
III. La fondation de l’Eglise dans l’Esprit (récit de la Pentecôte jusqu’au chapitre 8)
- Le Paul de Luc : accueillir l’inouï de Dieu dans sa vie et être témoin jusqu’aux extrémités de la terre)
- Quelle est l’Eglise de Luc ?
Comment travailler ?
A Commencer par choisir une manière de questionner le texte : comme le texte est une histoire qui rejoint nos vies. Cela veut dire que nous devons faire attention à la manière dont l’histoire est racontée. Il s’agit de donner la parole au texte, jusqu’à ce que le texte me donne la parole. C’est l’approche narrative : Quand on raconte une histoire, on ne la raconte pas de la même façon selon les personnes à qui on la raconte. Entendre la manière dont c’est rencontré, cela renvoie à des effets de sens et nous donne d’entrer dans le projet théologique de l’auteur.
- LA MISSION DU MESSIE FILS DE DIEU (Lc 1-9, 50).
Travail de groupe
Eglise =Communauté, assemblée, lieu, bâtiment, …
Regarder les références (par regroupement), et trouver la raison du classement, pour le mot frère.
Champ sémantique = l’ensemble des sens disponibles dans les mots …
Champ lexical = ensemble des mots qui se rapportent à une même notion.
La liste proposée = les mots dans Luc du champ lexical de « église » et de « envoyer », de témoin et de disciple, de frères.
Pour les autres mots, qu’est l’église, qui envoie, qui est envoyé …
> Lc 6, 13 : 12 choisis parmi les disciples et ils ne sont pas les meilleurs (le traitre apparaît en 6, 16)
> Lc 9, 10 : ce sont des « rapporteurs »
> Lc 11, 49 : ils seront tués et persécutés.
> Lc 17, 5 : ils sont croyants mais avec peu de foi, toujours en marche vers une foi plus profonde.
> Lc 22, 14 : les apôtres sont appelés pour être « avec » Jésus, être avec lui.
> Lc 24, 10 : Ils ne sont plus que 11, ils sont mécréants et incrédules. Ce ne sont que des hommes et ils ont besoin de la foi des femmes ! Les femmes ne sont pas appelées apôtres, mais elle « rapportent cela » aux 11 et à tous les autres // Lc 9, 10
Le terme apôtre, chez Luc a un sens technique qui les différencie des disciples !
> Ac 1, 2 : ils sont choisis et reçoivent des instructions dans l’Esprit Saint
> Ac 1, 26 : Il faut qu’ils soient 12 ; le 12e est choisi
> 2, 37 : Parmi les 12, un est mis à part – la foule demande des réponses
> 2, 42 : Les apôtres enseignent (par des paroles et par des signes)
> 2, 43 : les apôtres font des signes
> 4, 33.35.36.37 : témoins de la résurrection, ils partagent les richesses
> 5, 2 : partage … mais celui-ci n’est pas parfait
> 5, 12 : Signes et prodiges sont accomplis par les mains des apôtres
> 5, 18.29.40 : ils témoignent dans la persécution ou malgré la persécution.
> 6, 6 : Imposition des mains sur les diacres (organisation de la communauté)
> 8, 1 : tous se dispersent sauf les apôtres
> 8, 14 : ils envoient deux pour transmettre l’Esprit
> 9, 27 : charnière … Paul a une mission comme les apôtres. Suite à une rencontre personnelle avec le Christ. Il est choisi mais pas parmi les disciples, il est envoyé comme les apôtres, un instrument pour témoigner du nom de Jésus aux païens et aux juifs. Mais Luc ne le nomme pas apôtre.
Paul n’est jamais appelé apôtre chez Luc parce que sa définition Ac 1, 21-22, est qu’il faut avoir marché avec Jésus depuis le début. Paul n’est pas apôtre, mais témoin.
Eglise : Première référence du mot église vient dans les actes, après le mensonge d’Ananie. Pourquoi attend-on 5 chapitres avant d’utiliser ce mot ? Avant on dit « la multitude des croyants », la « foule ». Ce n’est pas un hasard : la foule devient église après avoir surmonté la tentation de cette épreuve. L’église = les croyant de la communauté de Jérusalem.
– La dernière mention = l’Eglise de Dieu acquise par son propre sang. L’église de Dieu dépasse largement l’église locale de Jérusalem.
– Le mot église est utilisé pour le peuple hébreu qui traverse le désert = l’assemblée du peuple. Luc se réfère à la traduction grecque de la septante. C’est l’assemblée convoquée.
– L’église c’est à la fois ce que Paul persécute et le lieu où Paul vit la conversion.
– l’église devient petit à petit l’église d’un lieu : l’église de Jérusalem, l’église d’Antioche…
L’Eglise de Dieu englobe toutes les Eglises.
– « les églises » 19, 32.39.40 : sens politique.
Envoyer : Dieu envoie l’ange Gabriel, annoncer l’accomplissement des promesses. Jésus est envoyé par Dieu.
Les envoyés sont les prophètes. L’envoi est fait par Dieu ou par la sagesse de Dieu ou par l’Esprit du Seigneur …
Ils sont envoyés pour annoncer ou pour un service.
Jésus envoie les 12, les 72, deux disciples, Pierre et Jean. Lc 24, il promet d’envoyer ce que Dieu a promis.
L’ange envoie les femmes pour annoncer.
Il envoie « devant lui » pour préparer…
Il y a des personnages qui envoient : le centurion, Jean-Baptiste, les scribes … chaque fois, c’est l’identité de Jésus qui est en jeu.
Dans les Actes, c’est d’abord Dieu qui envoie, le Christ, Moïse. Ac 3 à Ac 28 (partout dans les actes)
« Le Seigneur » (kurios) envoie Paul chez Ananie.
C’est le Christ qui envoie Paul chez les nations païennes.
C’est l’Esprit qui envoie les messagers de Corneille.
Les apôtres envoient Pierre et Jean, l’Eglise tout entière … la chaîne de l’envoi continue …
Témoin : Lc 11, 48 Situation négative ; les témoins interpellés suivent des faits condamnables … L’agir est à la base du témoignage.
Lc 24, 48 : insistance sur qui est témoin du Christ ? Ceux qui l’ont rencontré. Jésus confie la mission d’être témoin du Christ.
Dans les actes, ce sont les apôtres qui sont témoins du Christ. La vocation de Paul révélée par Ananie, est d’être témoin du ressuscité.
Les disciples, dans Luc et dans les Actes est différent : Lc 5 → C’est qui ? Simon, Jacques et Jean qui sont appelés juste avant. Après, cela va être une foule de disciples. Les apôtres sont aussi et d’abord des disciples. Mais Jésus en choisit 12 en référence aux 12 tribus d’Israël (enracinement dans l’histoire d’Israël). Définition du disciple : ceux à qui Jésus dit « viens et suis moi ». Dans les actes la foule des disciples s’élargit puis devient tous ceux qui forment la communauté chrétienne de Damas, Joppé …
Une mention curieuse : les disciples de Paul … 9, 36 : Dorcas
Frère : fraternité de sang qui s’élargit vers une fraternité hors sang et hors sol. Le disciple a comme mission de manifester la fraternité qui le précède. La fraternité le précède mais lui, le manifeste en utilisant le mot frère.
Dans les actes : 3 fois frère au sens propre et 51 fois au sens figuré !
Lecture des deux préfaces de l’Evangile et des Actes
Les premières lignes d’un récit sont un pacte de lecture, ils définissent déjà des repères de compréhension.
Luc est le seul à avoir fait précédé son récit d’une préface (ou prologue : mot moins adapté).
Lc 1, 1-4 = préface
Lc 1-4 = prologue théologique.
1a. Quel pacte de lecture pour ces deux préfaces ?
Proposition d’un récit adressé à un destinataire, Théophile, mais le « pour toi » me concerne aussi moi, lecteur. L’objectif est de vérifier un enseignement déjà reçu. L’auteur écrit à la suite d’autres qui ont déjà écrit.
Beaucoup ont écrits // Luc écrit
Ils ont écrit // Luc écrit
Des événements accomplis parmi nous //il est parmi eux
Les sources de l’écriture : transmission oculaire // recherche minutieuse.
Il s’agit de reconnaître la solidité… reconnaître sa propre expérience à travers le récit
Trois volets : Théophile apparaît comme troisième volet.
Ceux qui ont écrit, Luc puis Théophile, pour devenir « serviteur de la Parole » comme les autres.
Théophile = ami de Dieu.
Luc veut transmettre des événements qu’il a entendu mais qui ont provoqué en lui une relation. Il propose à Théophile d’entrer dans cette même relation. Ecrire pour toi de manière ordonnée. Le récit n’a pas une visée chronologique, il est « ordonné », c’est-à-dire de manière à ce que ça fasse du sens.
Accomplir = en grec, c’est la racine de la plénitude. Des événements qui ont pris leur plénitude de sens dans la communauté lucanienne.
Luc s’inscrit dans une continuité de transmission : Il est courant qu’un auteur qui écrit rende hommage à ses prédécesseurs. Ce que Luc va dire s’inscrit dans une continuité de transmission. Luc va faire le récit d’événements en tant qu’ils ont été transmis.
Sur le plan de la construction, c’est une seule phrase admirablement composée.
Luc compose un « récit »
è Genre littéraire = le récit. Un récit de témoignage qui va permettre à Théophile d’entrer dans le sens, dans la signification des événements. Dans le pacte de lecture nous allons lire l’œuvre d’un chrétien, théologien, qui prend position par rapport à sa foi. Luc, chrétien de la troisième génération qui fait œuvre de théologien. Il écrit en grec qu’il connaît bien. Pour écrire, il commence par lire « méticuleusement » et met en ordre ; c’est un travail d’historien.
Triple compétence de Luc : historien, théologien, écrivain.
Sources de Luc : Les faits ne doivent pas être pris au hasard, mais quand il aura rassemblé tous les faits, qu’il y mette l’ordre, la beauté … Quand l’historien a trouvé ses sources, qu’il s’attache à faire disparaître leur origine.
Luc s’inscrit dans l’historiographie biblique et non dans l’historiographie grecque. Son sujet n’est pas un sujet d’écrivain grec.
Le pacte de lecture est cette historiographie écrite comme une histoire du salut et racontée magnifiquement. Luc veut donner le sens des événements de Jésus qui nous concernent et sont accomplis pour nous aujourd’hui !
Biblio : dans « l’histoire du Christianisme », article de Paul Ricœur.
1b. Organisation de Luc 1, 5-9, 50.
Relire l’ensemble de la composition du récit pour y lire ce qui fait sens, à partir de l’ordonnancement.
p.1 : Ce qui saute aux yeux, c’est qu’on peut mettre en parallèle les épisodes
– de Zacharie/Elisabeth/Gabriel et Marie/Gabriel
– Le Benedictus et le magnificat
– croissance de Jean et de Jésus
– les deux naissances …
à Quel est le sens que donne ce procédé d’écriture ? L’une est faite pour mettre l’autre en valeur. Faire des parallèles permet de mettre en valeur des différences : Famille sacerdotale, dans le Temple, âge avancé … tout fait penser à l’Ancien Testament. « A quoi le saurai-je ? » Zacharie a oublié l’accomplissement des promesses reprend les mots d’Abraham. Jean inaugure les temps messianique, il est à la charnière de l’ancien et du nouveau Testament.
Dans ces deux premiers chapitres, on a 4 cantiques (NT1, NT2, NT3 et le gloria des anges), des poèmes de louange et de reconnaissance d’inouï de Dieu.
p.2 : chapitres 3 et 4 à Parallèle entre Jean et Jésus. Progressivement, Jésus va prendre le devant de la scène, mais jusqu’ici, Jésus n’a pas pris la parole.
Quand le ministère de Jésus commence, Jean est emprisonné. Historiquement, cela n’est pas possible : le sens est de donner toute la place à Jésus.
p.3 : 4, 14-44 à Ensemble clé. Episode programmatique : tout le ministère de Jésus est annoncé dans ce chapitre.
Ainsi, les 4 premiers chapitres de Luc sont un grand prologue qui inaugure et donne le sens de l’ensemble de l’Evangile.
Le chapitre 4 est de l’ordre du programme. Le ministère de Jésus commence avec l’appel des disciples au chapitre 5.
p.4 : Luc met en premier une guérison de paralytique pour Jésus, pour Pierre et pour Paul ! Cela nous dit que le ministère des disciples est totalement enraciné dans celui de Jésus.
Les chapitres 5 à 7 déroulent la prophétie d’Isaïe.
Le chapitre 1-4 = prologue
Le chapitre 8 = un tournant marqué par un sommaire. Les sommaires ponctuent le récit et dans cette séquence de 8-9, 51 : le thème en filigrane est celui de l’identité de Jésus. Et surtout, c’est la section de la confession de foi de Pierre suivi d’une annonce de la Passion. A ce stade, le groupe des 12 reconnaît le messie mais n’est pas encore prêt à reconnaître un messie crucifié.
Tournant en 9, 51 : route de Jérusalem jusqu’à la passion.
Travail de groupe : Lc 4, 16-30.
– Pourquoi Luc inverse-t-il l’ordre chronologique ? Galilée, Nazareth, Capharnaüm (les miracles viennent après)
– Avant, c’est le récit des tentations.
– Tout se passe en Galilée, mais dans son village, ça tourne mal à partir d’une parole de Jésus : à Invitation à le reconnaître autrement : tout ce qui va s’accomplir par les mains et la parole de Jésus va révéler non pas Jésus fils de Joseph, mais invitation à reconnaître Jésus Fils de Dieu tel que Satan lui-même l’a reconnu ?
– 4, 1-44 plutôt que 4, 14-44 : entouré de la reconnaissance par Satan et par le démon sorti de l’homme à l’esprit impur puis par les démons « ils savaient qu’il était le Christ ». Jésus va d’un désert à un autre désert …
Luc montre 2 mauvaises compréhension ou connaissances de Jésus : celle de la génération, de la famille et celle des démons qui relève d’un savoir sur.
Isaïe // Luc :
Pourquoi ne retrouve-t-on pas les cœurs brisés en miettes ? Et le jour de la vengeance ? Le jour est là … en sa personne ! L’amour plus fort que la haine et que la mort.
Accueil chez Luc et année de faveur dans l’AT. à La connaissance à laquelle est appelé le disciple est celle, ni des démons qui « savent » et maîtrisent, ni des proches qui savent et enferment.
Remontée :
Unité de lieu, Jésus enseigne, et tout se passe dans la synagogue à Nazareth.
Mystère de ce chapitre : l’ordre illogique de capharnaüm et Nazareth.
La belle-mère de Simon… alors que Simon n’est pas encore apparu (chapitre 5). La première fois qu’on entend parler de Saul de Tarse, c’est au martyr d’Etienne. Luc introduit subrepticement dans son récit quelqu’un qui deviendra important.
Jésus sort d’une synagogue, on essaye de le précipiter, et il rentre dans une autre synagogue. La présence des synagogues va être un fil conducteur … Paul continuera d’aller toujours d’abord dans les synagogues. La BN est d’abord pour Israël en accomplissement des promesses.
Il était fils, croyait-on de Joseph … qui est le « croyait-on ? Il n’y a que nous qui savons qu’il n’est pas le fils de Joseph, mais qu’il est le fils de Dieu.
Le questionnement des auditeurs à la synagogue est légitime ! Ils ne savent pas la fin de l’histoire, comme nous, nous le savons.
Nous savons que Jésus a été conçu du Saint Esprit et n’est pas seulement le fils de Joseph. Ce qui déconcerte les auditeurs, c’est qu’un homme comme lui, d’où lui viennent ces paroles ? Pourquoi Jésus les envoie-t-ils paître ?
« Médecin, guéris-toi toi-même » … Tout d’un coup, Jésus les rabroue parce qu’il ne veut pas que ce message de grâce reste le « pour soi » local, familial … il va ensuite leur raconter l’histoire de libération à d’autres qu’eux-mêmes.
La prophétie d’Isaïe annonce le messie. Jésus est messie et prophète.
La citation d’Isaïe est la pointe entre le déroulement et le roulement du livre.
Deux possibilités de ponctuation (voir feuille)
4 types de destinataires : les pauvres (qui est l’englobant), les opprimés, les captifs, les aveugles.bsp;
Remarque sur la lecture fondamentaliste : elle est refusée par l’Eglise, car elle nie le fait qu’il y a un témoin qui s’inscrit dans une histoire. Recevoir et faire ensemble des lectures de témoin à témoin. Il importe donc beaucoup que notre lecture soit faite dans notre histoire, une lecture qui m’a déplacée.
Voir comment Thérèse d’Avila utilise le texte biblique pour son propre récit de vie …
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