Les deux lèpres
Aujourd’hui, nous méditons le récit de guérison d’un lépreux que Marc a ramassé en cinq courts versets. Cette brève structure met en relief un panel des différents modes d’échanges et d’expressions de Jésus et de son interlocuteur. Tout semble couler de source jusqu’à la guérison de celui-ci, mais à la consigne de Jésus de n’en rien dire à personne, puis à la désobéissance de l’homme guéri, rien ne va plus.
Ainsi la première partie du récit coule dans un ordonnancement limpide : supplication du lépreux – compassion de Jésus – PAROLE efficace – guérison. L’homme est accordé à Jésus le visage de Miséricorde du Père et à son dessein de salut.
Mais, tout se brouille dans la deuxième partie du récit : consigne de Jésus – non respect de sa parole – proclamation de l’homme et retrait de Jésus – les foules continuent de venir à lui. Il y a une certaine incohérence dans ce déroulé narratif.
Très certainement en renvoyant l’homme lépreux au prêtre et à la Loi mosaïque, Jésus fait entrer l’homme dans la longue et ancienne histoire de l’Alliance qui a commencé avant son Incarnation. N’est-ce pas à Moïse qu’a été révélé le Nom de Dieu, « Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de vérité » (Ex 34, 6) ? Le chemin d’Alliance est commencé. Cependant, il reste à l’homme d’entrer, par Jésus, dans un chemin d’union personnelle, la voie mystique, telle que l’ont vécue et la décrivent Thérèse d’Avila et Jean de la Croix et qui passe par une autre forme de purification intérieure, celle-là..
Ce qui me frappe n’est pas tant l’empressement un peu naïf du lépreux à tout rapporter que le retrait de Jésus. « Mais Jésus restait à l’écart, dans des endroits déserts » (v.45) qui n’est pas sans faire écho à la figure paternelle insaisissable « Vraiment tu es un Dieu qui te cache, Dieu d’Israël Sauveur » (Is 45,15).
Et si l’on voyait, à travers cette fuite volontaire de Jésus, la guérison d’une autre forme de lèpre. Notre homme a bien été guéri extérieurement (v.42), mais comme dans tout chemin spirituel, il lui reste, avant la conformité et l’union des volontés, à être purifié et guéri intérieurement.
Ainsi, Jésus se cacherait, non pas seulement pour fuir les foules avides d’exploits, puisqu’il a —de toute façon— le dessein de les sauver ; mais il se cacherait et se retirait à la façon de son Père, pour sauver l’homme de ses mauvais penchants et désirs, le faisant entrer dans une forme de nuit de purification, continuant d’attirer tous les hommes à lui, par la foi pure, au cœur de son désert et de son silence, loin de ses miracles (v.45).
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