Depuis le retour dans le « temps ordinaire » de nos existences, nous contemplons, au fil des évangiles, un Jésus qui n’a de cesse de rejoindre notre humanité blessée, marquée par tant de maux.
L’on comprend dès lors le besoin qu’a Jésus de « se retirer » (Mc 3, 7). Pour l’heure, il semble vouloir le faire avec le noyau des disciples, chargés de tenir à sa disposition une petite barque à cause de la grande foule. Aujourd’hui, les disciples auraient plutôt besoin d’un porte-voix… Et pourtant, l’interpellation demeure. Tout disciple partage avec Jésus un retrait, un entre-deux au cœur de la mission, une sorte d’attention à cultiver, afin que la foule « n’écrase pas » Celui qui nous précède dans cette mission.
Car dans ce récit, nous voyons Jésus littéralement « phagocyté » par la foule, une foule soucieuse de l’approcher, de le toucher, tant est acquise sa puissance de guérison. Aux yeux des gens, ce qu’il apporte prime sur ce qu’il porte, et Jésus se laisse faire… Pas le moindre signe d’une quelconque résistance. La guérison première des maux qui nous taraudent, voire nous obsèdent, serait-elle un chemin vers Celui qui a tant -qui a plus- à nous donner, à nous révéler ? Telle semble la pédagogie divine.
Pour autant, Jésus est l’exact opposé du thaumaturge à succès. Il n’entre pas en tentation, tentation du pouvoir ou de l’avoir qui sont pour lui à portée de main. Il laisse pleinement agir la puissance de guérison qui lui vient du Père mais il donne vie en perdant la sienne. « Jésus guérit en entrant dans la faiblesse. Derrière chaque guérison se profile la silhouette de la croix et de sa paradoxale puissance vivificatrice. Le chemin de guérison parcouru par Jésus est un chemin de faiblesse dans l’amour, de com-passion avec ceux qui souffrent ; un chemin où il dépense ses forces, ses énergies et son temps, et où il laisse agir en lui la puissance de Dieu»
Et nous qui ne connaissons pas cette puissance des miracles ?
« Nous sommes appelés à une humilité extrême, et nous cherchons à aider les autres, à faire de leur chemin dans la maladie quelle que soit son issue, un chemin d’humanisation. Un chemin où l’on vit la fraternité et où l’on expérimente, en en payant le prix, la douceur de l’amour » (Enzo Bianchi, L’accompagnement des malades, p.43).
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