Si c’est un homme
Est-ce encore un homme, celui qui vit dans les tombeaux, seul, loin des vivants, indomptable, intenable ? Telle une bête, il hurle jour et nuit et se mutile. Il est hors de la société et hors de lui-même. S’il n’a plus l’apparence d’une personne, ses cris ne manifestent-ils pas, outre la désespérance et la douleur, un vestige de désir de relation ? Ambivalence des comportements.
« Si c’est un homme », écrivait Primo Levi témoignant de la déshumanisation mise en place à Auschwitz. Cependant, cette sape ne pouvait annihiler totalement ce qui subsistait d’humanité en celui qui, tel le serviteur d’Isaïe, n’avait plus figure humaine, et dont l’apparence n’était plus celle d’un homme. (Cf. Is. 52, 14)
Mais, tel qu’il est, le possédé est pourtant le premier à faire une démarche et à venir à la rencontre de Jésus. Que ou qui cherche-t-il, alors qu’il l’apostrophe de façon agressive ? Ambivalence encore, des malades qui savent où ils en sont de leur vie, mais qui ignorent ce qui leur arrivera s’ils guérissent.
Jésus confronte le possédé avec lui-même et lui enjoint de donner son nom. Celui-ci esquive l’interpellation : sa personnalité est décomposée en une légion de maux.
Dans le chaos de cet homme, Jésus fait la différence entre la personne blessée et l’esprit impur qui l’occupe. Il agit sur celui qui est déchiré comme un aimant qui attire et rassemble tout ce qui est dispersé. Il fait passer ce qu’il y a d’impur dans les porcs, puis dans la mer, lieu symbolique du mal.
Les possesseurs des troupeaux, eux, voient seulement que leur bien s’en est allé au diable !
L’homme guéri sait qui est celui qui lui a rendu la santé. Il désire le suivre. Mais il est invité à rentrer chez lui, peut-être pour se réconcilier avec ceux qui l’ont blessé ; il faut qu’il reconstitue son identité là même où il l’avait perdue.
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