Martyre de Saint Jean-Baptiste
« Que sont les amis devenus ?
Que j’avais de si près tenus
Et tant aimés.
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L’amour est morte
Ce sont amis que vent me porte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta »[1]
C’est vrai, bien que d’une autre manière, pour le poète comme pour le prophète. Ce dernier, apprécié, reconnu porteur de la vérité qui libère, est souvent rejeté parce qu’il dénonce ce qui est perverti et contraire à l’amour.
Ainsi pour Jean le baptiste. Ce « témoin », écouté et reconnu par le peuple et par le roi, est la récompense et le salaire d’une danseuse. Et c’est à table, au milieu d’un banquet qu’on prononce l’arrêt cruel qui devra l’exécuter. Pire encore, on apporte de la prison à la salle du festin l’objet de l’exécution impie qui a suivi ce fatal commandement.
Qui, en apprenant que c’est le jour de la naissance d’Hérode, qu’il y a grand festin, et qu’on a donné à une fille la liberté de demander tout ce qu’elle voudra, qui donc, ne s’imaginerait qu’on n’enverra délivrer Jean de ses fers ? Quel rapport y a-t-il entre la cruauté et les délices ? Entre le meurtre et la volupté ? Le Prophète subira sa peine pendant un festin. On lui tranche la tête, et on l’apporte dans un plat. Un tel mets convenait à la cruauté, et pouvait satisfaire une férocité difficile à assouvir.[2]
Pouvons-nous accueillir la dénonciation de nos complaisances avec le mal sans devenir de pervers assassins ? Si nous le sommes — et ce l’est plus souvent que nous le pensons, subtilement ou plus ouvertement —, aurons-nous le courage de le reconnaître ? Pourrons-nous, avec des disciples, prendre soin du corps que nous aurons blessé, martyrisé ?
« Que sont les amis devenus ? »
« Ayant appris ce qui était arrivé, les disciples de Jean vinrent prendre son corps et le déposèrent dans un tombeau ».
[1] Rutebef
[2] Extraits tirés du livre de saint Ambroise
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