« Et de là s’étant levé, il s’en alla dans les territoires de Tyr » (V. 24)
« De là », de chez lui, de l’intérieur du Peuple Elu.
Adulé par les foules, contesté par les autorités religieuses sur des questions de traditions, pur et impur, incompris de ses disciples parfois « sans intelligence » (V.18), donné sans repos à la proclamation de l’Evangile, « Il n’a où reposer la tête ». « Il a pitié de ces foules, comme des brebis sans berger ».
Nous touchons ici quelque chose des limites humaines de Jésus, comme s’Il cherchait son souffle.
Pourquoi s’en aller en terre païenne ? Un grand silence sur ses motivations ouvre à tous les possibles.
Entré dans une maison, laissant la porte ouverte, le voilà aussitôt surpris par une femme : païenne de naissance, donc impure, mère d’une petite fille possédée par un esprit impur (V.25-26).
Pourquoi cette question le poursuit-elle ?
Si la parole à propos de Jésus est venue aux oreilles de cette femme, elle va risquer la sienne en se mettant d’emblée au niveau du «Très-Bas ». Elle « vient se jeter à ses pieds », ses pieds meurtris de parcourir tous les « ailleurs » de la Galilée pour lesquels il est « sorti », « prêchant dans les synagogues et chassant les démons » (1,38 – 39)
Mais « sorti » de « chez lui », sa mission lui semble pouvoir s’arrêter là. Mt lui fait dire « qu’il n’a été envoyé qu’aux brebis perdues d’Israël » (Mt 15,24). Cela nous vaut-il cette inaudible parole à propos des enfants et des petits chiens ?
Qu’à cela ne tienne : la Syro-Phénicienne, reconnaissant comme la Samaritaine que « le salut vient des juifs », joue la carte de la bénédiction donnée pour toutes les nations, à Abraham et à sa descendance.
Elle entraîne Jésus, « Seigneur » (V.28), à mettre en pratique son enseignement sur le pur et l’impur, le prenant, comme Il vient de l’enseigner, « de l’intérieur du cœur » (7,21), là où Dieu est « tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’Amour ». Elle va l’enfanter, sans le savoir, à Sa Mission Universelle. Accueillant Sa Parole dans la « reconnaissance », elle dresse « la Table » des enfants pour qu’ils s’y « rassasient », et prend la place qui lui est reconnue, celle des petits chiens, mangeant, sous la table, les miettes des enfants.
Alors Jésus « se penche sur cette humble servante ». Bouleversé, il doit entendre le Magnificat de sa propre Mère au jour où dans son sein Il l’écoutait chanter : « Il élève les humbles, Il comble de bien les affamés… ».
A sa naissance, ne l’a-t-elle pas couché dans une mangeoire, n’est-Il pas le pain offert à tous ? Ne vient-Il pas de les multiplier, les pains ? Les « enfants » une fois rassasiés, il en est resté 12 corbeilles, autant que de tribus en Israël, autant que d’apôtres appelés à les partager, « ailleurs ».
Il cherchait son souffle, et voici : le Souffle de Pentecôte s’est engouffré dans cette maison.
« A cause de cette parole, va… », dit Jésus à la femme :
car «les païens sont admis au même héritage, membres du même Corps, bénéficiaires de la même Promesse, dans le Christ Jésus, par le moyen de l’Evangile » (Ephésiens 3,6)
Le démon sorti, sa petite fille devient «l’enfant couchée sur le lit », tel l’Enfant Nouveau- Né dans la Mangeoire.
Elle devient pain pour ses frères et sœurs en humanité.
Jésus va pouvoir rassasier les foules en terre païenne : il y aura 7 corbeilles de reste, pour toutes les nations. (8,1-9)
« Laisserons-nous à notre table, un peu de place à l’Etranger » ?
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