Un seul pain… un seul Seigneur !
Alors que Jésus et ses disciples sont dans la barque, celui-ci les instruit et les met en garde contre le levain des pharisiens et d’Hérode, source d’impureté et de corruption (v.15). Les disciples de Jésus ne doivent pas se tromper de tables ! Il y a celle de la logique mondaine des apparences où l’on se repaît sans se rassasier, et, en contrepoint, il y a le long itinéraire de faim, de soif et de dépouillement du Christ, qui mène jusqu’au banquet final. C’est la logique évangélique dont les deux multiplications ont été les signes. C’est une nourriture que l’on reçoit en surabondance ou au centuple, du moment que le peu « réel » est consenti. « Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’homme » (Jn 6,27).
« Ils n’avaient qu’un seul pain avec eux dans la barque » (v.14). Mais, les disciples, ne semblant ni l’écouter, ni le comprendre, ni avoir compris les deux miracles et toutes les guérisons dont ils ont été les témoins privilégiés, s’interrogent en effet, sur leur manque. Imprévoyants, ils ont oublié de prendre du pain avec eux ; sans réserves, ils s’inquiètent de leur sort.
Pourquoi s’inquiéter, semble questionner Jésus ? Et que pourrait-il faire avec ce peu, pour eux ?
Il leur fait rappeler que de cinq pains rompus, ils ont nourri cinq mille hommes et fait ramasser douze corbeilles de surplus ; et que de sept pains rompus, ils ont nourri quatre mille hommes et fait ramasser sept corbeilles de surplus. Mais, qu’ont-ils saisis des paroles de Jésus et de tout ce qui s’y révèle de sa mission et de sa personne ? Pourquoi ne comprennent-ils pas les signes multipliés devant eux ?
L’inquiétude des disciples — qui n’ont pris qu’un seul pain dans la barque et craignent d’être à court de provisions — s’oppose radicalement au surplus à accueillir d’un autre (ils ont vécu les deux multiplications des pains). Comme il est difficile de consentir au peu que l’on a, et d’accepter de n’avoir qu’un pain à partager… là où la syro-phénicienne se contentait de quelques miettes tombées à terre (Mc 7,28) afin de tout recevoir du Seigneur.
Et pourtant… le disciple entendra un jour, quand ses yeux, ses oreilles et son cœur se seront ouverts, Jésus lui intimer : « Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura jamais soif » (Jn 6,35).
Un commentaire
POURQUOI DISCUTEZ-VOUS SUR CE MANQUE DE PAINS ? VOUS NE SAISISSEZ PAS ? VOUS NE COMPRENEZ PAS ENCORE ? VOUS AVEZ LE CŒUR ENDURCI ? VOUS AVEZ DES YEUX ET VOUS NE VOYEZ PAS, VOUS AVEZ DES OREILLES ET VOUS N’ENTENDEZ PAS (Mc 8, 14-21). Le signe divin nous invite toujours à aller au-delà de sa simple représentation physique et visible. Car, c’est par là que DIEU se révèle et veut établir le contact avec nous. C’est la manifestation de quelque chose de plus grand, que ce que nous voyons. Mais, pour saisir ce mystère en son fond, il faut sortir des simples considérations de la chair et de ses désirs. Les disciples discutent sur le manque de pain, pendant qu’ils ont celui-là même qui le leur donne en abondance. Ils ont la source de tout bien avec eux en permanence, mais cela n’empêche pas qu’ils se disputent encore. Il suffit d’un manque, pour que montent les plaintes et les lamentations, au lieu de se référer à DIEU qui partage leur quotidien en permanence et qui leur donne du pain en abondance. Il a suffit d’un instant de faim, pour que soit dévoilé leur caractère violent et égoïste, et pour que se révèle l’amertume de leur cœur et la haine qu’ils peuvent avoir les uns pour les autres. Très souvent, nous sommes tellement préoccupés à nous lamenter, que nous ne sentons plus la présence de DIEU à nos côtés. Quand les pleurs et les lamentations sont plus forts que la foi, il nous est difficile de prier convenablement, toujours avec le sentiment que DIEU nous a abandonné. Or, IL est là, présent. Il faut ouvrir les yeux de la foi, pour le voir ; avoir le cœur tendre et d’amour, pour le sentir. L’Homme commence à voir et à sentir DIEU quand il est capable de donner une réponse de foi à cette présence divine, et quand il est en mesure de conformer sa volonté à celle de DIEU. Il commence à entendre quand il se rapproche du pauvre qui crie sa souffrance. Lorsque les sens s’éveillent à la vie divine, l’Homme n’est plus prisonnier de ses seuls désirs charnels ; il devient capable de reconnaître DIEU qui travaille en lui, par lui et pour lui. Bonne journée de méditation et de travail
Abbé ACHILLE KANDI, Archidiocèse de Bertoua