« Le Seigneur ouvre les yeux des aveugles » (Ps 145,8)
Étrange récit.
C’est un étrange récit que cette guérison de l’aveugle de Bethsaïde, une narration énigmatique qui nous appelle à ouvrir les yeux et à entendre l’interpellation de Jésus aux disciples : « Vous ne saisissez pas ? Vous ne comprenez pas encore ? Vous avez le cœur endurci ? Vous avez des yeux et vous ne voyez pas ? » (Mc 8,17-18).
Un récit en étapes.
Une foule anonyme d’indifférenciés (peut-être d’indifférents ?) amène un homme aveugle à Jésus pour qu’il le touche (v.22). Et c’est le lecteur qui est touché au cœur.
Qui sont-ils ? Que lui veulent-ils ? Jésus, prenant l’aveugle par la main, le conduit hors de ce milieu, hors de son village (v.23). Il le prend totalement en charge dans une proximité et familiarité qui contrastent avec leur neutralité.
Étonnant parcours initiatique d’un rituel de guérison en deux temps, avec salive et imposition des mains (v.23), puis d’un toucher des yeux. Qu’est-ce que l’évangéliste Marc veut nous dévoiler à travers cette longue mise au point ? L’homme passe de l’aveuglement, du flou de la vision confuse —l’imbroglio d’arbres qui marchent et d’hommes que l’on n’identifie pas (v.24)—, au passage par la nuit quand Jésus lui bouche les yeux (v.25), jusqu’à la vision claire de la guérison.
Plus qu’un récit, c’est un itinéraire.
Saint Marc ne nous raconterait-il pas une parabole de la vue : de la perception à la nécessaire interprétation ? Avoir des yeux de foi pour voir au-delà des impressions visuelles, être capables de reconnaître et de comprendre la Bonne Nouvelle de Jésus Christ à travers notre quotidien.
L’homme guéri est invité à rentrer chez lui sans passer par son village, c’est-à-dire sans passer par ses habitudes qui enferment et ramollissent le cœur, l’âme et l’esprit. Jésus libère totalement tout l’être dans une guérison à l’intime, afin que l’homme puisse se retrouver dans sa demeure, libre, confiant et heureux d’avoir vu, comme Siméon, le salut de Dieu.
Un commentaire