Du plus grand au plus petit, le mystère du Royaume…
Pourquoi résister au désir de reprendre la traduction de Sœur Jeanne d’Arc ? ! En ce temps-là, Jésus déclarait aux foules : « Amen, je vous le dis : il ne s’est pas éveillé parmi ceux qui sont nés de femmes de plus grand que Jean le baptiseur. Mais il est un plus petit, dans le royaume des cieux, qui est plus grand que lui !
Depuis les jours de Jean le baptiseur jusqu’à présent, le royaume des cieux se force, et des forts le ravissent. Car tous les Prophètes et la loi jusqu’à Jean ont prophétisé. Et si vous voulez accueillir ceci : lui-même, c’est Élie qui doit venir. Qui a des oreilles, entende ! »
Que faut-il « entendre » de cette étrange page d’Évangile, alors que nous cheminons vers le mystère de la Nativité ? n’y aurait-il pas là, effectivement, quelque chose d’inaccessible à nos raisonnements tout humains à moins de consentir à être de ces « éveillés » qui se sont rendus en ce centre où demeure cet enfant que Jésus nous demandera de redevenir (Mt 18, 3-4) ?
Mystérieux royaume que celui où les plus petits sont rois, où les « éveillés » ne sont pas passés par un enseignement dogmatique, qui n’est accessible qu’à celui qui consent aux exigences d’un combat avec ses propres forces de mort pour avancer et que les puissants cherchent à posséder. Ah, s’ils savaient de quel Royaume il s’agit !
Quant à nous, ne sommes-nous pas toujours la proie d’une double tentation : celle de nous emparer de nous-mêmes et des autres par la violence d’une mainmise ; celle de projeter sur Dieu nos représentations de toute-puissance et de gloire ?
« Depuis les jours de Jean le baptiseur jusqu’à présent, le royaume des cieux se force, et des forts le ravissent » (12).
Mais le Royaume des cieux ne se prend pas d’assaut, ni par effraction, il se reçoit. Son mystère ne se laisse pas engloutir dans notre vouloir captatif de toute puissance. Et cependant, il n’est pas un chemin de facilité, il nécessite que l’on se force de cette « force » que seule nous donne, paradoxalement, le chemin de l’enfant qui est celui d’une absolue confiance en ceux qui lui ont donné vie. Alors, en cette période de l’Avent, pourquoi ne pas travailler à redevenir cet enfant avec l’enfant de la crèche, tout en ne succombant pas à la tentation d’échapper à l’obscurité silencieuse de la foi !
Peut-être parviendrons nous à éduquer notre regard à reconnaître notre Seigneur dans l’enfant vulnérable et fragile, sans feu ni lieu ?
Et alors, nous pourrons accueillir l’autorité, le pouvoir de sa parole, dès lors qu’elle se dit dans le balbutiement de l’enfance et que sa force consiste justement à déposer au firmament, sur fond de nuit obscure, l’arc des puissants ? Personne ne s’empare du Royaume : il nous vient et s’ouvre à nous, entre nous, comme espace de la grâce, mais pas sans nous. Car dépend de nous de tenir debout, avec ténacité et détermination, postés sur la branche des veilleurs pour contempler ce Dieu qui se donne à nous dans cet enfant et nous donner, les uns les unes aux autres, cette Lumière qui nous visite.
Un commentaire