Dans de vieilles fermes en Flandres, il m’est arrivé de remarquer, suspendu au mur, un cadre mentionnant : « Godzietmij. Hier vloekt men niet » (« Dieu me voit, ici on ne jure pas »). Et pour accentuer le propos, la représentation d’un triangle avec un grand œil au milieu, l’œil d’un Dieu omniprésent….
Ainsi semble-t-il en être des Pharisiens qui ne lâchent pas Jésus des yeux : « Ce que voyant, les Pharisiens… » en devient un refrain. A l’affût de quoi sont-ils cette fois (Mt 12, 2) ? D’une violation de la Loi un jour de sabbat, alors que les disciples, en compagnie de Jésus, arrachent des épis dans les champs pour calmer leur faim. Les réactions de Jésus sont toujours à haute teneur pédagogique ! Il faut s’y arrêter.
À « ce que voyant… », Jésus répond par « N’avez-vous pas lu… ? (v 3). Passer du « voir », au « lire », baisser la tête, plutôt que la lever, entrer en intériorité, pour lire les Ecritures, qui, précisément, nous donnent, si nous le voulons, de lire autrement ce que sont les situations et les êtres, du temps auquel nous appartenons, car l’Esprit est toujours « à l’œuvre en cet âge ». Dans l’épisode des épis arrachés, les Ecritures « connues » des Pharisiens fonctionnent effectivement comme de véritables clés de lecture.
Les disciples arrachent des épis un jour de sabbat ? David lui-même accepte de la main du prêtre Ahimélek, des pains d’oblation, faute de pains ordinaires pour le sustenter (1 S 21, 2-5). Mais alors, Jésus serait plus grand que le roi David ? Qui est-il ? Là est la véritable question, au-delà de toute casuistique mesquine.
Les disciples arrachent des épis un jour de sabbat ? La Loi elle-même autorise l’activité des prêtres pour les sacrifices dans le Temple le jour du sabbat (Nb 28, 9). Et Jésus d’ajouter : « Il y a ici plus grand que le Temple » (v 6). Mais ne nous y méprenons pas : « N’allez pas croire que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir » (Mt 5, 17). Un accomplissement qui révèle ce à quoi tout sabbat doit être ordonné : l’amour, et non les sacrifices, la connaissance de Dieu plutôt que les holocaustes (Os 6, 6). Telle est la nouvelle économie avec Jésus, la veine prophétique dans laquelle il entend s’inscrire en y entrainant ses disciples. Avec Lui, en Lui, « toute la terre devient Temple et la totalité du temps devient sabbat » (Jean Radermakers).
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