PLUS BAS QUE TERRE
Jésus se retire (v.21) dans les régions païennes de l’actuel Sud Liban. Se retirer c’est un peu se cacher, se détourner des podiums et du public, prier et agir dans le secret. Mais une personne l’y attend ou plutôt vient le chercher jusque-là (v.22)… Et si elle y est, c’est qu’elle-même y est cachée. Effectivement, Matthieu précise qu’elle n’est pas Juive, une femme cananéenne, juste bonne à être renvoyée selon les disciples (v.23). Elle symbolise en quelque sorte l’impureté, et du coup cet épisode arrive comme une illustration ou les travaux pratiques de ce qu’a affirmé Jésus à ses détracteurs pharisiens : « Ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui rend l’homme impur ; mais ce qui sort de la bouche, voilà ce qui rend l’homme impur […] ce qui sort de la bouche provient du cœur, et c’est cela qui rend l’homme impur » (Mt 15,11-18).
Qu’est ce que Jésus trouvera dans la bouche et dans le cœur de cette femme païenne venue le supplier ?
Il va y entendre tout d’abord un cri, un cri désespéré, une prière, une souffrance. Puis un décentrement, elle ne prie pas pour elle mais pour sa fille tourmentée par un démon. Jésus y cueille la douleur de son impuissance et sa belle compassion de mère, sa soif pure que sa fille soit délivrée du Mal.
Mais ce n’est pas tout, il va y trouver aussi son audace un peu folle, sa persévérance, sa patience, sa confiance immense, son désir de sauver sa fille à n’importe quel prix. Alors, elle se prosterne à terre comme on se jette à l’eau, comme on jette les miettes sous la table (v.26), elle s’incline devant le Maître en se mettant ainsi à son école, à son service et sous sa seule protection, et elle lui lance un nouvel appel au secours.
Jésus découvre alors l’humilité dans l’attitude de cette femme qui le reconnaît Seigneur et fils de roi (v.22) et qui confesse en vérité son identité de païenne sans aucun droit sur la race élue et choisie de Dieu. C’est la modestie et la simplicité de celle qui se prosterne plus bas qu’un enfant, plus bas que la brebis, plus bas qu’un chien, plus bas qu’un petit chien… jusque sous la table. Elle est à la place même du pauvre Lazare de la
parabole, léché par les chiens mais qui ne peut même pas se rassasier de ce qui tombe de la table du riche (Cf. Lc 16,19-21). C’est la véritable humilité qui lui donne la force de l’audace et du risque. Puisqu’elle ne peut rien faire par elle-même, elle frappe à la porte et demande inlassablement. Elle descend jusqu’à se contenter d’une petite miette, celle de Jésus Pain de Vie qui descend lui aussi jusque-là, prêt à habiter le cœur qui lui ouvre grand ses portes.
Enfin, mais il aurait peut-être fallu commencer par le commencement : Jésus trouve en son cœur le don de la foi. Quelle est cette foi à faire bouger Jésus, si ce n’est le don même du Père ? L’Esprit nous précède toujours sur nos lieux de mission. Jésus doux et humble va donc reconnaître, en la femme, l’œuvre du Père : « Femme, grande est ta foi ! » (v.28). La femme montre une grande foi en Jésus, une foi à déplacer des montagnes !
La suite de cet épisode nous montre que la foi est une brèche pour l’action de Jésus pour le « faire grâce » autre traduction de « renvoyer » (v.23). Jésus lui a fait grâce car aussitôt sa fille se trouve guérie (v.28). Juste après leur rencontre, Jésus fait justement beaucoup de miracles autour du lac (Cf. Mt 15,29-31), jusqu’à nourrir quatre mille hommes (Cf. Mt 15,32-39) assurant ainsi que le Salut d’Israël déborde largement le peuple élu par pure prodigalité et gratuité divine et qu’il est offert à toutes les nations païennes.
Lectio divina communautaire, Communauté de Saint Martin Belle-Roche, 16 août 2020
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