L’audace de la femme cananéenne est extraordinaire ; elle ne renonce jamais. Face à sa ténacité pour sauver la vie de sa fille, nous sommes dans l’admiration, tandis que l’attitude de Jésus nous étonne, nous choque peut-être, et pourrait faire éclater la belle image que nous avons de lui. Une « trop » belle image sans doute. N’est-elle pas celle d’un Jésus « toujours prêt », prompt à réagir à toute détresse, dans une immédiateté que nous confondons sans doute avec la compassion vraie ? Celle-ci ménage toujours un espace pour que s’y place la liberté des uns et des autres, indispensable à l’exercice de l’amour. Mais il nous est difficile de ne pas nous interroger, à fleur de sensibilité. Comment Jésus peut-il être sourd au cri, à la souffrance d’une mère, pourquoi, même fatigué, ne se laisse-t-il pas touché par la détresse de cette femme, allant jusqu’à vouloir ignorer l’intervention des disciples en sa faveur ?
« Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues d’Israël ». Oui, la réponse de Jésus signe apparemment un refus. Sa mission a une mesure, un cadre, des limites. Mais l’étrangère provoque Jésus et le déplace ; elle l’accule à nouer avec elle une relation simple et vraie. Elle le dérange et il consent, non sans résistance, laissant surgir une liberté nouvelle en lui et en l’autre. Un dialogue vrai s’instaure à travers un échange frontal qui respecte la position des deux protagonistes. La rencontre est unique et chacun se révèle grâce à la vérité de l’autre et à la sienne.
Cette femme de l’ailleurs ouvre un nouvel horizon à Jésus, lui offre l’espace où la parole pèse pleinement de son poids et réalise ce qu’elle veut. « Femme, ta foi est grande ! Qu’il t’advienne comme tu le veux ! »
Quand l’écoute et la parole sont vraies, Dieu et l’homme se révèlent et leur œuvre se réalise, ici et ailleurs.
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