« O femme ! Elle est grande ton adhésion !
Ce sera pour toi comme tu veux » (Chouraqui)
Étrange autant qu’étonnant, cet « événement » rapporté par Matthieu ne finira jamais de nous interpeller !
Il frappe un grand coup Matthieu , jusqu’à mettre Jésus lui-même en situation « inconfortable » et nous faire participer à son retournement intérieur, qu’on oserait presque appeler « conversion ». Sans doute la communauté Matthéenne avait-elle besoin de cette audace pour s’ouvrir à l’universalité du salut accompli une fois pour toutes en Jésus de Nazareth mort et ressuscité. Mais sommes-nous, en Eglise, si différents de ceux-ci ? Où en sommes-nous de la conversion du regard ? De l’accueil du « différent », de la véritable fraternité offerte à tous en Jésus ? Contemplons le Maître.
« Jésus sort de là », (15, 1- 21) du lieu des controverses sur les traditions, sur le pur et l’impur, et se précipite chez les nations païennes, impures donc, comme pour s’y abriter. Y serait-il « poussé par l’Esprit », autant que vers le désert,
pour y être tenté ? (Mt 4,1)
C’est en effet une femme, ayant à faire à un démon, qui « sort de ces frontières et crie ». Un cri de douleurs d’enfantement, car c’est le fruit de ses entrailles qui est lié par le mal. Le mal ?! Celui peut-être du rejet, de l’exclusion, de l’enfermement dans l’impureté, du regard de mépris posé sur les « non-observants », sur les différents …
Pourtant elle reconnait en Jésus le « Fils de David » qui peut la prendre en pitié. Son cri traverse celui des disciples, leur menace d’interdiction d’accès au Maître, car « elle les poursuit… ». Elle les poursuit de sa foi qui traverse « l’interdit » d’accès des païens à l’Alliance, réveillant la Promesse faite à Abraham, portée par David, accomplie par Jésus :
« Je ferai de toi une grande nation et je te bénirai…, sois en bénédiction …,
en toi seront bénies toutes les familles de la terre. » (Gn. 12,3)
Quand à Jésus, après un silence tel une fin de non recevoir, Il oppose à cette femme une parole terrible à nos oreilles : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël ». Il fait ainsi écho à l’instruction donnée aux douze envoyés en mission » (10,5-6). Que dire de sa Parole à propos des « petits chiens et des enfants » ! Pédagogie de Mt pour sa propre communauté, annonce de l’accès des païens au salut après la mort du Christ? (TOB V.24 note O)
Si les interprétations sont multiples, l’émerveillement est UN : celui de Jésus lui-même. Comment ne pas penser à Marie à Cana ! La foi d’une femme avance l’Heure de Jésus, et « l’enfante », si on ose dire, à sa mission de Salut Universel.
Elle-même se reçoit du Tout Autre, épousant le chemin des « anawims », « elle descendit si bas, si bas, qu’elle atteignit ce qu’elle cherchait » (Jn de la +) : le cœur de Dieu qui fond de tendresse au soleil de la foi des humains.
« Justement les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leur Maître »
« Femme ta foi est grande ! Qu’il t’arrive comme tu le veux ».
« Quel Dieu est grand comme notre Dieu » ?!
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