Le nœud sacré de l’amitié
À deux reprises, Jésus pose la question de son identité (v.13 et v.15) : « Au dire des gens, qui est le Fils de l’homme ? » (v.13), et « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » (v.15). Il interroge une première fois ses disciples, par une question extérieure, concernant le « on-dit » général ; puis dans un deuxième temps, il leur pose une question ciblée, plus engageante, où chacun est appelé à risquer un « je » de sujet libre face à un « tu ». C’est leur être de réponse à Dieu qui est convoqué dans cet appel. Qu’est-ce que Jésus attend d’eux ? Qu’ont-ils compris de ce « tu » qui sert au milieu d’eux et leur donne sa vie ? Qu’ont-ils saisi de leur propre expérience et de son compagnonnage ?
Les réponses, au fur et à mesure des rencontres de l’évangile, sont différentes, Jésus est le « roi des Juifs » pour les mages d’Orient venus l’adorer ; il est le « Sauveur » pour moult anonymes venus le chercher ; il est « l’époux » pour Jean le Baptiste ; il est le « Rabbi » de Marie-Madeleine ; il est le « Messie, celui qu’on appelle Christ » pour les Samaritains ; il est le compagnon de route pour les deux disciples d’Emmaüs ; il est le « Seigneur et le Dieu » de Thomas ; il est le « Christ et le Fils du Dieu Vivant » pour l’aveugle de naissance, Marthe et aussi pour Pierre.
Mais au-delà de tous ses titres, des honneurs et des attributs divins, celui qui se présente comme doux et humble de cœur, aurait-il cherché, espéré, autre chose ? Au delà de leur profession de foi, ont-ils entendu l’appel à ce nœud sacré de l’amitié ?
« Je ne vous appelle plus serviteurs, […] ; je vous appelle mes amis » (Jn 15,15).
La question de Jésus est risquée, parce qu’en les sollicitant sur ce registre de l’attachement, il s’engage en premier, il se dévoile dans la nudité de la relation qui attend tout de l’autre : « Pierre, m’aimes-tu ? ». En livrant sa vie tout entière, il leur livre d’abord son cœur assoiffé d’amour.
En ce jour de solennité où toute l’Église est célébrée, à travers les deux figures de Pierre et Paul, que reste-t-il de leur profession de foi ? Le plus grand témoignage ne serait-il pas, le don de leur vie au service de la croissance du Corps mystique du Christ, leur attachement à sa personne, cet amour inconditionnel et leur rage à l’annoncer envers et contre tout. Seul l’amour donne cette force-là. Il n’est pas de plus grand amour que de donner sa vie pour celui qu’on aime, c’est le chemin des saints du Carmel, recherchant avant tout l’union intime, à travers la relation d’amitié qu’est l’oraison. « Ne vous écartez jamais d’un si bon ami. Si vous vous accoutumez à l’attirer près de vous, s’il voit que vous l’appelez avec amour et que vous ne vivez que pour le satisfaire, vous n’arriverez pas, comme on dit, à vous en débarrasser, jamais il ne vous manquera, il vous aidera dans tous vos travaux, il sera partout avec vous. Pensez-vous que ce soit peu de chose qu’un tel ami à nos côtés ? » (Thérèse d’Avila, Camino 26,1).
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