Sans frontières
Aucune retenue, aucune pudeur dans le cri de la Cananéenne venue à Jésus crier son désespoir de mère. Pour elle, pour la vie de sa fille, aucune frontière ne compte plus désormais. Celle entre les hommes et les femmes, balayée ! Celle entre les Juifs et les païens, balayée ! Celle entre la bienséance et l’impolitesse, balayée ! Celle que forment les disciples désireux de silence et de tranquillité, balayée !
La femme inaugure l’universalisme cher au Dieu de l’Alliance, devançant Jésus, venu en priorité pour les brebis perdues d’Israël. Elle fonce, elle va droit au but, elle court et crie vers Jésus qui (selon son intuition féminine) est celui qui a la clé du salut, la puissance de guérison ; et il doit la lui donner.
Non, rien ne résiste à la folie d’une mère ! Jésus se justifie, elle lui répond avec un soupçon d’insolence, défiant celui qui est venu pour tous les hommes. Jésus n’avait pas prévu ce raccourci là ; peu importe, il s’adapte à sa supplique de mère brisée qui se contentera des miettes. Il lui donne ce qu’elle veut, sa fille sera guérie.
Sa folie audacieuse, Jésus l’appellera foi, et c’est cette force qui fait renverser les montagnes, espérer aux pauvres les grands desseins et les merveilles qui les dépassent : « Ne te rabaisse point au-dessous de cela ; ne t’arrête point aux miettes qui tombent de la table de ton Père ! Lève-toi et glorifie-toi de ce qui fait ta gloire. Cache-toi en elle et réjouis-toi ; et les désirs de ton cœur seront exaucés » Saint Jean de la Croix, extrait de la Prière de l’âme énamourée.
La figure de cette mère opiniâtre n’est pas sans rappeler la fougue d’Édith Stein, Sr Thérèse Bénédicte de la Croix, que l’Église fête aujourd’hui. Elle, qui par toute sa vie, a dépassé les frontières : de sa judéité à sa confession au Christ, de la dépression du non-sens à sa dynamique de foi, de la philosophie à la théologie, de la guerre à son offrande pour tout son peuple.
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