Les commentateurs des évangiles remarquent tous que Jésus ressuscité n’est jamais reconnu d’emblée. C’est d’abord un jardinier, un voyageur sur la route, un promeneur au bord du lac.
Il en va de même dans le récit d’aujourd’hui où Jésus nous parle de la venue du Royaume et de la non reconnaissance du Fils de l’homme, le berger qui s’emploie à faire œuvre de séparation comme au jour de la création. Il n’est reconnu ni par celles et ceux qui siègent à sa droite ou à sa gauche, brebis ou chèvres. Qui est-il : le premier venu ou le dernier des gueux ? Tous partagent le même et sincère étonnement. Mais d’aucun ont regardé et écouté, et ils se sont faits proches des démunis, des pauvres, des malades, des condamnés, des taxés de fous. En eux, ils ont reconnu des frères.
Regarde ton frère : tu vois ton Dieu.
Mais quand je regarde mon frère, je vois un étranger, quelqu’un qui au mieux, me donne envie de le connaître, au pire me donne envie de fuir. Je vois ce que je ne connais pas, ma part manquante de l’humanité et j’hésite longtemps avant de me laisser compléter.
L’empathie n’est pas suffisante qui nous fait nous « mettre à la place de l’autre » pour nous mobiliser en sa faveur. C’est mettre Dieu à la place de l’autre à quoi nous invite le Christ. Est-ce pour cela que personne ne l’a reconnu ? Cette question dit la superbe intuition qui nous parcourt lorsque nous apercevons l’étrange, la bouleversante, la retournante réalité du Royaume.
Tu n’as pas de visage
Si ce n’est celui de l’enfant confiant
Du vieil homme meurtri
De l’ombre de moi-même quand je suis démunie
Tu renverses nos valeurs, tu déplaces nos attentes
Puisque je ne sais pas où tu te dissimules
J’accueille l’enfant meurtri, le vieil homme confiant
Et pour que tes visages entrent dans ma maison
Ai-je d’autres choix, mon Dieu
Que d’élargir l’espace de ma tente ?[1]
[1] cf. Marion Muller-Colart, Éclats d’Évangile
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