La justice des pharisiens et des scribes imposait le respect de très nombreuses prescriptions. Celle à laquelle Jésus invite et qui consiste à s’ajuster aux mœurs du Royaume pourrait peut-être se manifester ainsi : aimer des frères dans les mailles serrées du quotidien concret. Elle nous situe d’emblée dans la liberté du cœur et dans l’aventure d’un chemin parcouru ensemble vers le lieu de l’offrande et du don.
Ainsi Jésus nous révèle la plénitude du commandement quand il dénonce les racines cachées et profondes de l’éviction d’autrui. Elles se dévoilent quand la colère et l’insulte prennent le pouvoir contre un semblable, quand on le qualifie de fou, d’insensé. Entrer dans la démesure d’un comportement qui blesse et agresse, imposer à l’autre une caractéristique qui le défigure et dégrade l’image de Dieu en lui, c’est lui voler une part de sa vocation divine et usurper la place de Celui qui seul sonde les cœurs et les reins.
Pourquoi donc avons-nous si facilement des rapports d’adversaires et d’exclusion vis-à-vis de ceux qui sont pèlerins comme nous ? Il ne s’agit pas d’entrer dans une introspection accusatrice. Nous sommes toutes et tous de celles et de ceux qui « explosent », jugent, voire condamnent des sœurs et des frères parce que nous souffrons de paroles dites, de comportements qui lèsent notre dignité ou notre intégrité.
Tout peut s’ajuster ‘autrement’. Il n’est qu’à laisser résonner en nous la question nouvelle que Jésus pose. Non plus celle de savoir ce qui m’a été fait comme tort, mais bien l’interrogation qui change radicalement le point de vue : que peut bien avoir mon frère contre moi ? Révolution copernicienne !
« Il pourrait me reprocher de l’avoir lésé dans sa réputation, de me mettre en travers de sa liberté ou de son bonheur, de ne pas savoir le comprendre ou l’accepter tel qu’il est, de pas lui laisser son espace.
Le frère a contre moi, que je suis en dette de gratitude envers lui, en dette d’amitié. Parfois, pour savoir ce que l’autre a contre moi, il faudra le lui demander.*»
Voilà ce qui est exigé de sœurs et frères en route vers le Royaume, « en chemin de réconciliation et d’offrande.
( *Jean Lévêque, du neuf et de l’ancien, éditions du Carmel, 2019, p. 55.)
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