Nous sommes dans la partie du discours sur la montagne où Jésus précise l’articulation entre la loi et la justice. Il rappelle le commandement tel qu’il est transmis par la tradition et le met en tension avec sa propre parole. Cette section se termine par la relation entre amour et haine, et le rappel de la règle commune aux sociétés humaines selon laquelle l’unité d’un groupe se fait toujours par exclusion de ceux qui n’en font pas partie. La radicalisation proposée par Jésus consiste en un refus de toute forme de discrimination.
Est-ce chose possible ? Sans doute, puisque Jésus nous le demande, nous le commande. Et c’est d’ailleurs ainsi que nous serons « accomplis », réalisés comme fils, comme le Père est « accompli » comme père, quand nous nous comportons comme son Unique, comme Jésus qui s’est donné pleinement, dans un amour radical et sans réserve pour tout homme. Il a aimé ses ennemis, leur a souhaité du bien : c’est extra-ordinaire, sur-humain, sur-naturel. Mais, en lui, nous savons que ce n’est pas impossible. Et si la récompense du Seigneur de nos vies a été la croix, nous croyons de toutes nos forces qu’elle ouvre l’espace à la joie, la joie d’aimer sans mesure, comme nous le sommes nous-mêmes.
Dieu a une haute estime de nous. Il nous croit capables d’aimer nos ennemis. Il nous croit capables de générosité, il nous croit capables de dépasser les appels brûlants de la vengeance et de faire pencher nos balances vers la paix. Il nous croit capables de ne pas ressentir les coups qui tapent bas. « La certitude d’avoir été un jour aimé, c’est l’envol définitif du cœur vers la lumière », écrit Christian Bobin. Plonger en évangile, c’est plonger dans cette certitude. Les coups qui nous atteignent encore sont ceux qui ont quelque chose à nous dire. (MMC)