Prier le Notre-Père nous assure-il de ne pas rabâcher ? On risque bien de rabâcher le Notre-Père lui-même !
L’accent de l’évangile de ce jour semble mis sur l’écueil de ressasser « nos » prières (Mt 6, 7) qui seraient exhaussées à proportion de notre insistance. Nous sommes plutôt invités à nous ouvrir à plus grand et plus haut que nous en faisant nôtre la prière que Jésus enseigne à tout disciple, l’ayant lui-même reçue du Père (Jean 17, 8). Non que nos intentions du moment ne comptent aux yeux de Dieu, car chacun assume son existence propre où se tient le Dieu incarné (« Tu as vu : tu regardes le mal et la souffrance, tu les prends dans ta main » Ps 9b, 14). Mais les demandes du Notre-Père sont des « fondamentaux » qui portent du fruit bien en amont de nos faux lieux de combat et d’imploration. En effet, nous laisser travailler par ces demandes, et l’engagement qu’elles supposent, c’est nous laisser façonner par un Autre, et cela rejaillit dans notre vie et notre monde. Ainsi du pardon : « si vous pardonnez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera à vous aussi ; mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père non plus ne vous pardonnera pas vos fautes » (v 14). Associer la demande de pardon de nos offenses à notre propre pardon du frère, alors que nous en sommes si peu capables, comporte en réalité un enjeu christologique. Dans Le chemin de perfection, Thérèse d’Avila l’a perçu : le Père accorde le pardon en considération du Christ qui l’implore (CP 36, 6). C’est en notre nom que le Christ offre au Père (CP 36 ,7) ce que nous ne pouvons offrir, il l’accomplit en nous, mais non sans nous. D’où l’importance de l’abandon à la volonté de Dieu (Mt 6, 10) pour que soit « fendue la pierre de notre cœur ». Thérèse y voit aussi la radicalité évangélique de Jésus qui associe le pardon de Dieu et le nôtre : « Il a fait en notre nom une sorte de pacte avec son Père éternel. C’est comme s’il avait dit : « Fais ceci Seigneur, et me frères feront cela ! » Or, nous sommes bien assurés que notre divin Père ne manquera pas aux conventions prises ! Oh ! Quel bon payeur que notre Dieu ! Et qu’il sait bien dépasser la mesure !» (CP 37, 3).
« Notre Père qui es aux cieux…. Entrons, ensemble, dans ce mouvement, ce lieu divin….
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