Le Salut en marche !
La défaite du mal est annoncée dans le cri des deux possédés : « Que nous veux-tu, Fils de Dieu ? Es-tu venu pour nous tourmenter avant le moment fixé ? » (v.29). Aveu de faiblesse et d’une retraite proche, on peut y entendre en sous-entendu, « laisse-nous profiter du peu de temps qu’il nous reste pour semer encore un peu plus la peur et la haine ».
Mais l’ombre de la Croix se profile déjà, menaçante pour les ténèbres et le chaos vaincus par avance. Oui ! Le Salut est en marche et rien ne peut arrêter sa force et sa victoire. Il aura le dernier mot par le puissance de la Résurrection.
La présence de Jésus déroute, trouble, met en lumière. Reconnu par ses deux détracteurs comme le « Fils de Dieu » (v.29), il est le Verbe, traversant, depuis l’origine du monde, la création et continuant son œuvre de séparer et de « bien-dire ». Limité dans le temps de son Incarnation, il porte en lui l’éternité de sa victoire consommée dès avant les siècles. Tout le mystère de sa personne comprend déjà la victoire inaliénable de la lumière.
La réaction de la foule est plus surprenante, après être venue à sa rencontre, pourquoi le supplie-t-elle de quitter leur territoire, comme si elle se positionnait en ennemi du bien ?
Nous pouvons noter toutefois, qu’il ne s’agit pas d’une menace ou d’une intimidation à la manière des possédés, mais d’une supplication, comme d’une prière.
Les Gadaréniens attendent aussi le « moment fixé », ils ne se résoudront pas à une guérison à la sauvette, Jésus est venu en terre païenne jusqu’à eux, ils se sont déplacés en masse pour le voir. Ils l’ont vu. Ils ont reçu un acompte de leur libération par la mort des porcs et la délivrance des deux possédés. Ils sont maintenant dans la promesse du Salut universel et total.
Aveu de leur faiblesse, leur demande de mise en distance peut s’interpréter comme la distance intégrée entre leur pauvreté de créatures (et d’autant plus qu’ils sont païens face à un Juif) et la puissance du Créateur. Ce n’est pas forcément le non-accueil d’une porte fermée plutôt qu’une distanciation de reconnaissance. Le choc de la mise en présence de la Victoire met en branle leurs soubassements charnels, comme Pierre lui-même a demandé à Jésus de s’éloigner : « Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur » (Lc 5,8).
Un commentaire
LES GARDIENS … S’EN ALLÈRENT ANNONCER … CE QUI ÉTAIT ARRIVÉ AUX POSSÉDÉS. TOUTE LA VILLE SORTIT À LA RENCONTRE DE JÉSUS … LES GENS LE SUPPLIÈRENT DE PARTIR DE LEUR TERRITOIRE (Mt 8, 28-34). Une présence qui dérange est certainement une présence qui va à l’encontre de nos valeurs et de nos principes, une présence qui ne répond pas à nos attentes ou alors qui gêne nos actions et menace notre liberté. Mais une telle présence peut être, soit déroutante pour nous, soit alors une lumière qui interroge notre comportement et met à nu notre péché, en vue d’une saine conversion. La présence de JÉSUS déroute, trouble, parce qu’elle met en lumière le mal du monde. JÉSUS a à peine libéré deux possédés d’esprits impurs et agressifs, qui les éloignaient de la communauté. Et ces esprits ont trouvé refuge dans un troupeau de porcs, qui s’est précipité dans la mer et en est mort. Tout semble être revenu à la normale, pour ces deux personnes, mais aussi pour cette région désormais libérée de tels esprits impurs et agressifs, à cause du passage et de la présence de DIEU dans cette communauté. Mais, voilà que cette présence crée la confusion. Ce qui devrait être un chemin de libération devient plutôt un obstacle. CELUI qui purifie l’Homme du mal et de toute forme d’impureté, est rejeté, renié, expulsé hors de la région. L’Homme, l’impur, rejette DIEU, le pur : est-ce pour avoir fait périr un troupeau de porcs, afin de libérer l’Homme de la servitude du mal ou alors, parce que l’Homme ne parvient pas à s’accommoder avec la nouveauté de cette forme d’Evangile qui est libération ? DIEU ne cesse de tendre la main aux pécheurs que nous sommes ; IL ne se fatigue pas de chercher l’Homme, pour le libérer de la servitude et de l’emprise du mal. Mais, l’Homme garde toute sa liberté ; il est en droit d’accepter ou de refuser, d’adhérer ou non, de croire ou de ne pas croire. L’Homme reste libre de continuer à vivre sous la tyrannie et la domination du mal ou alors de rejeter tout ce qui est pouvoir des ténèbres, pour vivre dans la vérité. Or, pour vivre dans la vérité, il faut voir en DIEU, non pas celui qui nous opprime ou qui nous prive de liberté, mais tout au contraire, CELUI qui libère l’Homme de la domination des puissances des ténèbres, CELUI qui remet l’Homme debout, pour une existence sereine et parfaite. Bonne journée de méditation et de travail
Abbé ACHILLE KANDI, Archidiocèse de Bertoua